Jacques BIALEK

Classe d'appel 57 1/A
détaché comme officier du Génie
en charge du Casernement et des Services
au Centre Saharien d’Expérimentation Militaire

 

Les photos couleurs et légendes sont de Jacques BIALEK

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Jacques BIALEK – Né le 13 Février 1933 à Commercy
Sursitaire – classe d’appel 57 1/A
Cursus militaire :
2ème Sapeur ................ affecté au 19ème Régiment du Génie à Hussein Dey, embarqué à Marseille le 12 mars 1957
École d’Officiers .......... muté à l’E.A.G. Angers le 8 juillet 1957
Sous-Lieutenant ......... affecté au 3ème Bataillon du Génie à Mézières le 16 décembre 1957
Sous-Lieutenant ......... muté au Centre Saharien d’Expérimentation Militaire de Reggan le 9 septembre 1958
..................................... arrivé le 13 octobre 1958 (chargé du Casernement et des Services)
Sous Lieutenant .......... rayé des contrôles le 21 juin 1959 – Arrivé à Paris Le Bourget le 10 juin 1959
Lieutenant de Réserve..le 21 mars 1960
Capitaine de Réserve ... le 1er octobre 1965
Rayé des Cadres, admis à l’honorariat le 1er novembre 1970
1957-1959
mes régiments


Mon séjour à Reggan

J’ai rejoint à la fin de l’été 1958 les pionniers de la construction de cette base, arrivés un an plus tôt.
Ils avaient passé ce premier été sous des tentes !... dans des conditions de casernement précaires et surtout inconfortables vu la chaleur saharienne sèche et étouffante.

Après le baptême de l’eau de boisson fortement magnésienne (tourista de 48 h.) je me suis installé au bordj dans un préfabriqué avec d’autres collègues de différentes armes.

Entre le bordj et le plateau, pas de route ; un 6 x 6 nous emmenait chaque matin rejoindre le gros de la troupe qui logeait dans des bâtiments en tôle (fillod ?).

Le service casernement dont nous avions la charge comportait :
La Centrale électrique provisoire constituée de plusieurs groupes électrogènes de 69 kVa que nous couplions pour alimenter les installations du plateau. Ces groupes étaient souvent à bout de souffle, perturbés dans leur fonctionnement par le sable qui se logeait partout, nous avions du mal à faire face aux pointes de consommation quand les humidificateurs fonctionnaient tous en même temps.

Un adjudant avait la charge de ce service : pour lui, c’était la galère quand un groupe rendait l’âme et qu’il fallait recoupler un autre groupe pour compenser la demande. Si cela tardait, je vous laisse imaginer les propos désobligeants que certains ne manquaient pas de lui adresser…

Avec le reste de l’effectif, nous étions chargés de construire des bureaux formant la place d’armes avec ses réseaux. Pour les travaux de terrassement, nous utilisions une centaine de PLBT (population laborieuse du bas Touat) qui assurait l’enfouissement des canalisations et des câbles.

Nous avions aussi la charge de la mise en place des humidificateurs ; ces appareils permettaient de faire baisser la température et surtout humidifiait l’air (ce qui n’était pas un luxe à cet endroit où le degré d’humidité est particulièrement bas).

L’obtention d’un de ces appareils était très attendue de chacun ; ils étaient contingentés en fonction des livraisons.

Dans ce désert, il est vrai, peu fréquenté, le drame surgissait, quand un « boulon de 8 » manquait dans la trousse du parfait petit constructeur.

Comme il n’y avait pas de quincaillerie à moins de 2 000 kms à la ronde, nous devions passer un message à l’administration des Travaux du Génie à Alger pour que, dans le prochain convoi, on nous fasse parvenir le précieux boulon… Mais souvent, et en cela, on reconnaît bien la qualité du Français, il y avait toujours un « artiste » qui trouvait (parfois le boulon) mais plus souvent confectionnait un montage à sa façon qui faisait l’admiration de tous.

Ainsi le temps s’écoulait au rythme des arrivées du matériel.

Autour de nous, le 11ème R.G.S. le 71ème Bataillon du Génie, et le 45ème Bataillon du Génie de l’Air assuraient chacun leur mission.

Pendant mon séjour, un superbe tapis d’enrobés reliera le plateau au bordj.
Au point zéro à Hamoudia, une piste d’atterrissage en argile traitée fut construite.

À ce propos, le Commandant de la Base m’avait demandé d’aller me renseigner sur la technique employée à Hamoudia.

J’utilisais ce jour là l’hélicoptère Bell piloté par l’adjudant X que je remercie encore aujourd’hui de m’avoir sauvé la vie.

En effet, après un petit quart d’heure de vol l’hélice de queue s’est arrêtée ; c’est en auto giration que nous nous sommes retrouvés 100 mètres plus bas enfoncés dans le sable, mais indemnes, grâce à la maîtrise du pilote.

La radio fonctionnait. Nous avons appelé la Base : le Colonel Guernon en tête, accompagné d’une remorque porte chars et d’une grue Griffet, étaient sur les lieux quelques heures après ; l’hélicoptère a été rapatrié sur la Base tandis que la frayeur passée nous avons, comme il se doit, arrosé le sauvetage et remercié la Providence que tout se soit bien terminé.

Nous avons beaucoup travaillé sur cette Base, dans des conditions souvent difficiles pour les hommes et le matériel. Chacun y mettait son cœur et son allant, la bonne humeur était de mise ; le Colonel Guernon commandant Interarmes de la Base était un homme d’une grande civilité, cultivé et très humain.

Je n’ai pas assisté à la première expérimentation le 13 février 1960 mais le Lieutenant Finck, officier d’active avec qui nous avons mis en place le service m’a décrit, dans une lettre du 21 juin 1960 que j’ai conservée, les moments intenses qui ont précédé et suivi cet événement.

« Les hommes ont été réunis sur le plateau ce matin là vers 6 h 30. L’intense émotion, des hommes (pas besoin de réclamer le silence) le souffle court des uns, la tension des autres (99% des PLBT étaient convaincus de leur mort) inquiets quant à la réussite de l’essai.
Les hommes assis, le dos tourné à Hamoudia… les fusées à H – 15 mn et H – 1 mn, puis une lumière qui éclairait plus qu’en plein jour, et ceci avec des lunettes spéciales (type éclipse de soleil).
Après 30 secondes, l’ordre est donné de regarder. Hourra… des cris, vive la France.
Les PLBT heureux engagent une danse endiablée.
Une boule rouge… orange, violet puis une immense cheminée blanche… puis un champignon d’une netteté parfaite.
Rapidement, le vent a tout emporté vers le Sud-Est.
Pour revenir aux PLBT, ils ont été fort surpris par les deux bangs qui ont suivi l’explosion. Pris d’une frayeur terrible ils se sont dispersés. L’onde a été ressentie dans tous les sens, l’effet de souffle a été très marqué, les treillis même se sont gonflés».

Des milliers d’hommes ont travaillé sur ce site. Ce premier essai fut certainement un grand moment d’émotion.

Comme l’écrivait Yves FROMION, Secrétaire d’État National à la Défense dans « Lettre de la Nation Magazine » n°482 :
« 13 février 1960, Gerboise Bleue !!! une grande date de notre histoire commune. »

Le Général de Gaulle, Président de la République, salua cet exploit scientifique par un télégramme adressé à Pierre Guillaumat Ministre Délégué auprès du Premier Ministre :
« Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière. Du fond du cœur, merci à vous et à ceux qui ont pour elle, remporté ce magnifique succès. »

Il est certain que cette réussite va permettre au Chef de l’État de mieux affirmer, par la suite, l’indépendance de la France vis-à-vis de nos alliés.

Mais quand on vit de tels moments, on doit être effrayé de ce que pourrait être le déclenchement d’un tel cataclysme si un individu insensé mettait en application le feu nucléaire.

50 ans ont passé, d’autres essais ont eu lieu, les bombes sont restées en réserve…
Aussi, je forme le vœu que nous et nos enfants ne connaissent pas un tel malheur et que ces expériences suffiront à rappeler aux Hommes que la raison doit toujours contenir les passions.

Fait le 14 novembre 2007






  Week-end à Tamanrasset en janvier 1959