Je me souviens...
LA
TOUR PREND GARDE
Alain BROCHARD – 63/1 – Technicien radio –
Base Aérienne 167
Ce matin-là nous étions en bout de piste côté Est. C'était l'hiver à Reggan et assez peu vêtu nous avions froid. Mais que pouvait bien faire un Sergent et son assistant (moi-même) à cet endroit dans l’ambulance des pompiers de l’aérodrome ?
L’Ambulance (photo Gérard Bourdaud)
Le 4x4 Renault chahuté par le vent, bien qu’il en eût certainement l’envie, n’aurait sans doute pas pu arracher ses 4 roues de cette piste balayée à ce moment par le sable !
La réponse était simple, nous étions tout simplement en cours de vérification de l’alignement du radiogoniomètre dont les antennes se situaient à l’autre bout de la piste côté Ouest sous deux radômes parfaitement installés dans l’axe de la piste.
Pourquoi l’ambulance ? C’était en fait le seul véhicule disposant d’une radio VHF compatible avec les fréquences de la « Gonio » et qui nous permettait le contact direct avec la Tour de contrôle.
La « Gonio » de Reggan avait une grande renommée dans le secteur et la plupart des pilotes refusaient totalement son utilisation vu les erreurs de guidage données par cette infernale machine.
Opérateur Gonio devant son écran - tatcher en main (photo Alain Brochard)
D’aucuns s’étaient cassé les dents sur la panne de cette « Gonio » quand bien même une équipe de « savants » venus de la Reghaïa en avait conclu que la piste aurait bougé sur son axe… Et oui une telle ânerie ressortait des calculs de l’intervention et « la bête » avait été abandonnée à son triste sort.
Un jour même, alors que le vent de sable interdisait décollage et atterrissage, un Noratlas (encore un) qui devait se poser à Reggan se trouvait en grande difficulté, sans cet outil de guidage, pour atterrir en visibilité réduite. Ses réserves de carburant ne lui permettant pas de se détourner il devait absolument se poser.
Ce ne fut pas sans la grande maîtrise du Lt Colonel patron de la Base Aérienne (lui-même pilote) qui de son bureau de la Tour suivait le trafic à l’écoute de la radio.
Arrivé prestement à la vigie, « tchatcher » (micro) en main, il prit la direction des opérations et quelques longues minutes après l’avion en difficulté arrivait sur le tarmac sous les applaudissements de tous.
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Noratlas stationné sur le tarmac (photos Christian Brot et Alain Brochard)
« L’Escale » (photo Gilbert Heim)
au rez-de-chaussée : l’escale
au 1er étage : l’atelier Radio
au 2ème étage : la Radio goniométrie
au 3ème étage : la verrière de la vigie (avec son balcon)Pour en revenir à nos moutons le Sergent, nouvellement promu à la responsabilité de l’atelier radio de la Tour, m’avait rapidement fait comprendre qu’il n’y avait aucune raison que nous ne remettions pas en marche cette Gonio. Il est vrai que déjà il nous avait fallu tout remettre à niveau sur le plan radio HF et VHF dans cette Tour où l’entretien du matériel avait été parfaitement négligé…
La panne de la Gonio fut rapidement détectée et il suffisait simplement de la chercher au bon endroit.
À savoir que l’électronique n’y était pour rien et qu’il s’agissait tout simplement d’un « flector » (cardan) servant à entraîner une des antennes qui se dilatait très légèrement en fonction des températures extérieures. Mais le dit « flector » se trouvait à 2 km de l’endroit où les techniciens avaient cherché la panne !
La légère déformation du flector expliquait parfaitement le décalage de l’antenne dans sa rotation. Et lorsque l’avion se trouvait dans le « zig » l’opérateur au travers de la « foliole » apparaissant sur son écran le voyait dans le « zag ». Bref mon but n’est pas ici de faire un cours sur la radiogoniométrie qui n’intéresse personne, mais de terminer mon propos qui n’a d’ailleurs que trop duré !
Nous étions donc en contact VHF avec la tour (l’opérateur Gonio)
À priori le dépannage avait été efficace, tout était rentré dans l’ordre, quand soudain la vigie au niveau de la Tour se mit à lancer à notre attention des fusées blanches puis rouges !!!La radio VHF de l’ambulance tombée subrepticement en panne, nous nous retrouvions d’un coup d’un seul sans contact radio avec la Tour.
La raison des fusées lancées par la Tour n’était en rien liée à un quelconque feu d’artifice, ni pour nous féliciter de nos bons et loyaux services mais simplement qu’un Noratlas (un de plus) allait nous percuter par l’arrière si nous ne dégagions pas prestement. Ce qui fut fait aussitôt, c’était et ce fut la seule fois où j’avais pu observer un avion dans les « rétros » d’un véhicule terrestre…
Mais la Tour avait pris GARDE.PS : Les ondes radio HF occupent la bande comprise entre 3 et 30 mégahertz (MHz) et font partie de ce que l’on appelle la bande des ondes courtes. La transmission HF utilise la propagation ionosphérique ou par « saut », ce qui donne à la HF la capacité d’envoyer et de recevoir sur de longues distances. Les ondes VHF, dites Very High Frequency, correspondent à des fréquences comprises entre 30 et 300 MHz. Ces ondes sont utilisées en général pour de courtes distances.
Alain BROCHARD
10 mars 2025