Je me souviens...

RETOUR DE PERM

Alain BROCHARD – 63/1 – Technicien radio – Base Aérienne 167

 

 

Suite à la permission, la seule à laquelle nous avions droit du fait de notre éloignement. Un mois malgré tout qui était toujours le bienvenu et toujours des plus appréciés.

Sur le point de revenir à Reggan, j’avais constaté que mon retour avait été prévu à l’image de celui du premier voyage vers l’Algérie. À savoir direction le camp de Ste Marthe près de Marseille, puis le bateau… C’était le Ville d’Alger sans doute plus confortable que le Sidi Okba disparu dans les flammes en avril 1963 à son retour d’Alger. Comme quoi nous avions failli avoir chaud lors du voyage précédent de ce bâtiment usé par les transports d’animaux dans un sens et de troupiers dans l’autre.

le Ville d’Alger
le Sidi-Okba

 

Après avoir pris contact avec le service compétent de l’Armée de l’Air à Paris, je pus obtenir un retour par avion m’évitant ainsi la houle du golfe du Lion.

Rejoignant le quartier Balard où se trouvait l’hébergement de ceux qui comme moi devaient retourner en Algérie, je pensais que ce serait, de toutes façons plus tranquille que de reprendre le Ville d’Alger à Marseille.

Quelques jours d’attente à Balard, puis un matin aux premières lueurs de l’aube nous débarquions à l’aérodrome du Bourget pour nous envoler plein Sud.

Le Noratlas était là, frais et dispo prêt à l’envol.

Décollage direction Istres pour une première pose, un vol sans encombre dans le froid de la carlingue où nous étions tous enveloppés dans une couverture militaire profitant du confort maximum que pouvait offrir les deux rangées de sièges « para ».


À Istres notre bel oiseau pouvait se reposer quelques heures puis vérifications et plein refait nous redécollions vers Oran notre destination de la journée.

Tard dans la soirée, après avoir sans encombre traversé la Méditerranée, nous nous posions à Oran aérodrome de la Sénia.

Je rejoignis après un repas rapide une chambrée où plusieurs collègues attendaient aussi les différents vols de leurs destinations.

Après huit jours d’attente et après avoir régilièrement consulté le service d’embarquement pour rejoindre Reggan, je m’aperçus qu’on me cherchait partout, j’avais en quelque sorte disparu de la circulation, perdu en vol sans doute !!! Mais non, j’attendais patiemment me disant que malgré tout c’était un peu plus confortable qu’à Ste Marthe.

Puis un jour, un Commandant de bord me fit la grâce de m’accepter sur son vol commercial qui d’Oran avait comme destination Colomb Bechar, Adrar puis Reggan.

Par contre je devrais voyager sur un strapontin près des pilotes la soute étant pleine à ras bord où s’entassaient cartons de bières, boîtes de conserves, quartiers de viande, sans compter les salades et j’en passe.


L’engin était tellement chargé que nous devions décoller en fin de nuit car dès le lever du soleil le portage aurait été insuffisant pour décoller la « bête ».

Le moment venu, nous étions en point fixe en bout de piste, les moteurs en plein régime, le Noratlas prêt à se lancer dans la course folle l’amenant au décollage en bout de piste.

Debout derrière l’équipage, j’observais l’instant avec le meilleur plaisir me préparant à l’envolée du bel oiseau qui m’emportait vers la destination finale où je semblais être attendu.

D’un coup d’un seul, les freins lâchés, l’avion s’était lancé sur la piste dans le plus grand calme de l’équipage qui donnait plus l’impression de ne pas avoir terminé sa nuit.

Le « Nord » avait pris de la vitesse, les balises de bout de piste se rapprochaient tellement vite que je me suis dit : C’est bon ça va mal se terminer…

Toujours les balises et imperturbable l’équipage ne bronchait pas !!!

Alors que j’imaginais que nous allions les percuter, le Commandant de bord dit : « Lève ».

Et pendant que le pilote tirait sur le manche et que l’avion se soulevait dans un effort désespéré, le Commandant rentrait le train d’atterrissage nous évitant ainsi d’accrocher ces satanées balises !

Ouf, nous avions décollé sans encombre du fait de la parfaite maîtrise de ces professionnels du vol que sont les pilotes de l’Armée de l’Air formés à toutes sortes de problèmes liés à leur activité.

J’appris bien des années après que rentrer le train d’atterrissage au décollage faisait partie de la formation dispensée aux élèves-pilotes.

La montée en altitude fut longue et laborieuse, toutefois nous étions partis et comme « l’oiseau » serait allégé dès Colomb Bechar, la suite serait plus facile. Nous grimpions tranquillement et j’observais par le hublot de la porte avant droite un magnifique lever de soleil à l’horizon.

C’était une photo à ne pas rater, ce qui fut fait.



Photo : Alain BROCHARD

Il est possible d’observer sur la gauche de la photo, le flou de l’hélice gauche du Noratlas.

Le désert était déjà sous nos ailes et bientôt nous nous posions à Colomb Béchar.

Après quelques heures, la première partie de la livraison effectuée, nous reprenions le vol vers Adrar où la seconde partie des vivres était déchargée.

Puis redécollage direction Reggan où nous arrivions vers 21 heures, heureux de la fin d’un voyage qui n’avait pas manqué de « piment ».

Effectivement, si j’avais été recherché, j’étais attendu, mais pas par les mêmes … J’en perdis la moitié de ma cravate coupée, d’un coup d’un seul, par un spécialiste des ciseaux. C’était soi-disant une coutume que je découvrais en même temps que ma cravate.

Finalement lors de ma libération dans mon paquetage je ne rendrais qu’une cravate et demie au lieu de deux.

Ainsi s’écrit l’histoire !!!

Alain BROCHARD
Mars 2025