CAMIONS DES SABLES :
les voies de communication dans le désert du Sahara
Extraits de l’Exposition Journées Européennes du Patrimoine, 17-18 septembre 2011,
Réalisée par les documentalistes du Centre d’Archives et de Documentation de la Fondation Berliet
Les pistes du sel empruntées par les caravanes de chameaux ont longtemps été les seules voies de communication terrestres entre le Maghreb et l’Afrique Noire à travers cette barrière naturelle qu’est le désert du Sahara. Le chemin de fer transsaharien restera un projet inaccessible après que plusieurs missions de reconnaissance aient été décimées dans le troisième tiers du 19ème siècle.
Avec les premiers raids automobiles des années 1920 aidés par les militaires présents, les premiers tracés sont mis en place. Le tourisme permettra d’entretenir ces routes et de les jalonner d’hébergements. Ce n’est qu’après 1945 qu’un réseau routier pour le transport lourd verra vraiment le jour pour exploiter les richesses naturelles. Mais les vents et le sable grippent les moteurs et recouvrent inexorablement les routes, rendant dérisoires les efforts surhumains pour les entretenir. Les exploits sportifs qui permettent aux hommes et aux mécaniques de se mesurer avec l’immensité des sables ainsi que des conditions climatiques extrêmement rudes garderont intact auprès du public le mythe du Sahara, terre de rêve et de démesure.
L’exploration
Nombreuses furent les tentatives d’explorateurs européens pour découvrir des voies d’accès dans ces immenses territoires encore vierges de l’Afrique saharienne. Une organisation tribale très ancienne et des conditions de vie difficiles les protégeaient si efficacement que ces expéditions à pied ou à dos de chameau se sont parfois terminées de façon tragique.
Les premières missions motorisées ne sont possibles que parce que des mois auparavant, des caravanes de chameaux organisées par l’autorité militaire ont acheminé le matériel indispensable au bon déroulement de l’opération projetée. Ce sont donc ces unités civiles et militaires qui ont découvert les tracés les plus convenables, les ont aménagés, nivelés, signalisés pour que le passage soit possible à une mécanique rudimentaire et aux moteurs encore trop faibles et trop fragiles.
Peu à peu, les zones encore inconnues sur les cartes du Sahara et de l’Afrique seront remplies par les différentes missions automobiles qui vont se succéder.
Les observations faites sur le terrain par la Croisière Noire Citroën en 1924 servirent ainsi aux premiers aviateurs qui survolèrent l’Afrique.
Quelques missions et raids automobiles à travers le Sahara avant 1930 :La Croisière Noire Citroën
Une première mission Citroën, la Croisière Noire, était lancée en 1924 à grand renfort de publicité. D’Alger à Gao par Adrar, la mission, équipée de chenilles Kégresse, devait se séparer en 4 groupes pour atteindre Madagascar et Le Cap. La chenille ne rendra pas les services escomptés sur le sable. L’agilité et la vitesse démontrées par les véhicules Renault et Berliet donneront définitivement à la roue et au pneu un avantage qui ne leur a jamais été repris.
Le raid Delingette en Renault 1924
Les 6 roues Renault, en dépit de leur faible puissance, de leur mécanique fragile, étaient d’une conception originale qui répondait presque parfaitement aux besoins des utilisateurs permanents et ils furent fabriqués en un grand nombre d’exemplaires pour le Sahara. La possibilité de jumeler les pneus à l’avant évitait bien des ensablements. Les capacités de franchissement augmentaient au fur et à mesure des progrès des pneumatiques. La charge utile était de 1200 kg et la vitesse 4 fois plus élevée que la chenille avec une consommation beaucoup plus faible.
La Mission Sahara Niger de 1926 avec des véhicules 6 roues Berliet et Renault
Le raid avait été organisé par le Gouvernement Général de l’Algérie pour vérifier les capacités des nouveaux véhicules sur les pistes déjà très améliorées et savoir si les tonnages prévisibles rendrait à terme nécessaire la création du Transsaharien. Journalistes, ingénieurs, représentants du chemin de fer, hommes politiques étaient à bord des véhicules, en tout 22 personnes. Si les Berliet (500 kg de messageries par véhicules) se comportèrent très bien grâce à une équipe de mécaniciens confirmés, c’est le pneumatique qui se révéla le point encore défaillant. Chaque véhicule creva en moyenne 35 fois sur le parcours aller et retour.
La Mission Delahaye du Prince Sixte de Bourbon Parme, 1929
Ce raid remarquablement préparé doit son succès à plusieurs facteurs : Le premier est l’utilisation pour la première fois de pneus « ballons » très importants en diamètre et en section sur une voiture. Il ne fut changé que deux chambres à air sur un parcours de 4000 km. Le second facteur de succès est la légèreté de la carrosserie du véhicule réalisée en aluminium pour abaisser le poids. Ensuite, la puissance du moteur évita échauffement et consommation exagérée du carburant tandis qu’une boite de vitesses à démultiplicateur permit les franchissements les plus difficiles.
L’exploitation économique
Le tourisme :
Plusieurs compagnies vont se partager l’exploitation du tourisme dans le Maghreb à partir de 1920. Elles prennent le relais des officiers méharistes des Territoires du Sud qui avaient commencé des missions de repérage dans les années 1910. Elles établissent de nouveaux itinéraires, testent le matériel, améliorent et prolongent les voies existantes, les balisent.
La Compagnie Générale Transatlantique s’équipera de nombreux véhicules Renault. Parmi eux, à partir de 1924, des voitures spéciales Renault 6 roues 10 cv pour traverser les plus hautes dunes de sable du Sahara, entre Touggourt et Tozeur en Algérie. Cette excursion sera l’un des points forts des voyages touristiques proposés par les Auto-Circuits Nord-Africains, filiale de la Transatlantique.
Les transports routiers
Après la période de l’après-guerre et des surplus, il fallait faire la démonstration des économies et des performances d’un camion moderne de 125 CV sur une distance considérable et des chemins peu praticables.
Parti d’Alger en novembre 1951, le camion Berliet arrivait à Abidjan en Côte d’Ivoire après avoir parcouru 7500 km. Il avait vendu en cours de route au meilleur prix ce qu’il avait chargé à Alger. Maurice Berliet était à bord pour constater la parfaite adaptation mécanique du véhicule à son usage. C’est ce matériel qui, doté de pneus larges, équipa progressivement toutes les unités de transport militaire au Sahara.
FLOTILLE SAHARIENNE : extrait du film documentaire de 1957 réalisé à la demande de Berliet par la Compagnie lyonnaise de Cinéma
Première liaison lourde avec un champ de pétrole.Véhicules : camions Berliet (TBO chargés de 40 à 60 T., GBO citerne, GBC8 « gazelle », camion ravitailleur). Itinéraire : Alger, Touggourt, Hassi-Messaoud, Fort-Flatters, Edjélé. Cette mission de 5 jours à travers le Sahara est la première à atteindre le Tropique du Cancer via Sahara.
La recherche pétrolière
Dessiné et fabriqué en 9 mois pour répondre aux besoins de transport des masses indivisibles de plus de 40 tonnes de la recherche pétrolière, le gigantesque T100 pouvait franchir les dunes du Grand Erg Oriental sans nécessiter l’aménagement d’une piste. Deux exemplaires furent employés au Sahara dans le Gassi-Touil. L’un a été conservé par les Algériens, l’autre fait partie de la collection de la Fondation Berliet.
Les Berliet TBO 15 6X4 et 6×6 étaient les matériels les plus adaptés aux lourdes exigences de la recherche pétrolière lorsque le relief n’était pas trop mouvementé pour accepter des convois lourds sur semi-remorques. Ils ont résisté aux plus dures sollicitations et aux conditions extrêmes du désert.
Trois thèmes de l’expo seront développés dans des articles à part :
– Le Rallye Saharien 1930
– Les Missions Berliet Ténéré et Tchad 1959-1960
– Le raid Afrique Citroën 1973Bibliographie :
Oiry (Marie).- Les débuts du tourisme au désert dans l’Algérie coloniale et le Maroc sous protectorat…Lyon : ENS, 2007. Mémoire de Master 2.
Fondation Berliet.- La pénétration automobile au Sahara.- Lyon : Fondation Berliet, 1990.
BEJUI (pascal et Dominique).- Exploits et fantasmes transsahariens.- Chanac : La Régordane, 1994.
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Commissaire de l’exposition : Anne Carrière.- 09/2011*************
Je remercie Madame Anne Carrière
du centre de Documentation de la Fondation Marius Berliet
pour son autorisation à publier cet article sur notre site
Alain CHUETTE – Novembre 2013