ET LE PLUS GRAND DES DÉSERTS
DEVINT LA FRANCE SAHARIENNE

HISTORIA magazine
N° 211 du 19 janvier 1972


La France avait institué en 1957 une organisation
commune des régions sahariennes la défense du territoire
était confiée à un général. Le territoire lui-même
était réparti entre trois commandements militaires.

L
E
grand historien de l’Afrique du Nord, Émile-Félix Gautier, écrivait en 1908 :
Au Sahara proprement dit, l'événement qui explique la conquête du désert, ce n'est pas la prise de Laghouat ni la victoire de Tit, ce fut l'entrée définitive des chameaux, tout particulièrement des méharis, au service de l'État français...
    Et il ajoutait avec un certain humour :
... Entre l'État français et les chameaux, éternellement incapables de se comprendre, il y avait un intermédiaire naturel qu'on a su enfin utiliser : les tribus nomades du Sahara...
    En outre, il convient de ne pas oublier les indispensables « intermédiaires » entre les populations du Sahara et les chameaux... à savoir les officiers et sous- officiers des unités sahariennes d’Algérie et d’Afrique noire ainsi que les administrateurs civils et militaires des territoires concernés par cette extraordinaire « aventure ».
    Grâce à eux, ont été réalisées, entre 1852 et 1934, pour la première fois dans l’Histoire, l’exploration et la pacification totale du plus grand désert du monde. Mais, comme nous le verrons, le succès de cette difficile entreprise, qui exigea tant d’efforts et de sang, ne fut assuré qu’à partir du jour où, comme le souligne E.-F. Gautier, nous avons pu persuader les grands nomades de nous aider dans notre œuvre pacifique et humaine, et dès que l’aspect politique du problème eut cédé la place à ses incidences purement militaires, les seules envisagées pendant trop longtemps.
    Déjà, au début du siècle dernier, pendant la campagne d’Égypte, Bonaparte avait pensé à utiliser le chameau pour combattre dans le désert de Syrie et assurer la sécurité de la vallée du Nil. En créant le « régiment des dromadaires », il ne faisait, d’ailleurs, qu’imiter les Romains, ses lointains prédécesseurs sur cette même terre d’Afrique.
    Mais ces différentes expériences n’eurent que des résultats assez limités car ces ancêtres de nos « méharistes », le plus souvent européens, n’étaient pas adaptés aux conditions de vie dans le désert.
    Les mêmes erreurs furent commises par les chefs du corps expéditionnaire d’Alger quand, à partir de 1840, après avoir occupé les hauts plateaux algériens, ils se heurtèrent aux espaces sahariens d’où surgissaient de nombreux raids dévastateurs.

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La conquête des palmeraies
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   La construction d’une ligne de postes fortifiés le long du Tell et « dominant le Sahara » se révéla rapidement insuffisante et il fallut entreprendre des expéditions de plus en plus importantes en vue de l’occupation des oasis, dont le plus célèbre épisode fut la prise d’assaut de Laghouat en 1852.
    En 1844, Bugeaud avait confié au légendaire Yousouf la mission d’« exercer les fantassins, zouaves et tirailleurs de la division d’Alger à l’équitation du dromadaire »... Les résultats ne furent guère brillants et l’on envisagea même de recruter les futurs méharistes parmi les marins..., plus habitués à affronter le roulis combiné avec le tangage que provoque la marche si particulière du « vaisseau du désert »... Cet échec de « méharisation » de l’armée d’Afrique devait retarder de plus de trente années la pacification du Sahara et provoquer des catastrophes comme celle de l’anéantissement, à Bir-el-Garama, le 16 février 1881, de la mission Flatters partie en pays targui à la recherche d’un itinéraire pour le chemin de fer transsaharien.
    La première jonction terrestre entre l'Algérie et l'Afrique noire, réalisée de 1898 à 1900 par la mission Foureau-Lamy, marque une étape décisive dans la pénétration française au Sahara. Mais alourdie par ses deux cents hommes de troupe régulière et un convoi d'un millier de chameaux, dont plus de la moitié périt en route, elle atteignit le Niger avec un an de retard sur l'horaire prévu.
    À la même époque, l'occupation d'In-Salah, réalisée avec le goum d'EI-Goléa et des moyens très réduits par le lieutenant Pein, allait permettre la conquête des palmeraies du Tidikelt, du Gourara, du Touat et de l'oued Saoura et d'obtenir la soumission des sédentaires de l'extrême Sud algérien.
    Sur la rive opposée du «grand désert», les troupes coloniales françaises se trouvent, elles aussi, en 1900, face aux seuls nomades après une progression beaucoup moins profonde effectuée le long des fleuves Sénégal et Niger et de la dépression du Tchad.

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Laperrine le saharien !
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   L’occupation des dernières oasis algériennes allait poser des problèmes très difficiles à résoudre avec les servitudes de l’acheminement, à partir du Tell, du ravitaillement des troupes régulières, incapables de subsister sur place.
    Il fallut organiser des convois de chameaux de plus en plus importants et affecter la majeure partie des unités combattantes à leur protection.
    Tout cela entraînait des frais considérables sans parler de la perspective de voir bientôt disparaître une partie notable du cheptel camélien de l’Algérie et même de la Tunisie. (À titre d’exemple de cette hécatombe, les seules opérations effectuées en 1900 par les divisions d’Alger et d’Oran nécessitèrent la réquisition de 34 000 chameaux, dont près de 25 000 succombèrent en route).
    Cet aspect financier et économique du problème devint si crucial qu’il fit même envisager, en février 1901, l’évacuation des oasis sahariennes.
    Fort heureusement pour notre prestige en Afrique du Nord, ce plan de repli ne fut pas approuvé par le ministre de la Guerre, qui accepta, enfin, d’étudier les projets d’adaptation des troupes du Sud algérien à leurs nouvelles missions présentés par le chef d’escadron François-Henry Laperrine, nommé, au début de 1901, commandant supérieur des Oasis sahariennes, à Adrar.
    Ce dernier, qui restera l’une des plus belles figures de notre ancienne armée d’Afrique, connaissait admirablement bien le Sahara, y ayant servi longtemps sur ses deux rives : dans les confins algéro-marocains, puis dans le Sud tunisien et enfin au Sénégal, où il créa les premières unités de spahis soudanais.
    En 1897, après un séjour en métropole, il retourna au Sahara qu’il ne devait plus quitter.
    Cette longue expérience lui permit de mettre au point l’organisation de compagnies méharistes en se basant sur le fait que, pour lutter contre des nomades, il faut employer des nomades.
    Mais pour avoir bien en main ces auxiliaires jugés incapables de se plier à une discipline militaire, il fallait respecter leur cadre traditionnel et leurs coutumes parfois anarchiques.
    Pour ces raisons, Laperrine voulait que les futures compagnies sahariennes devinssent de véritables tribus nomades, astreintes à un minimum de service et placées sous l’autorité paternelle mais ferme d’officiers des affaires indigènes et de gradés français volontaires, capables de mener la vie rude et sobre de leurs hommes.
    De plus, chaque formation devrait avoir une organisation intérieure correspondant à sa mission et à la région dans laquelle elle était destinée à opérer. Cette souplesse de conception administrative devait être difficilement admise par l’état-major de l’armée et les services financiers du ministère.
    Un fait d’armes, resté célèbre dans l’histoire du Sahara, allait, le 7 mai 1902, donner définitivement raison à ceux qui assuraient que la pacification du désert ne pouvait être poursuivie qu’avec des troupes spéciales. Il s’agit du combat de Tit au cours duquel le goum du lieutenant Cottenest, formé à l’aide de nomades du Tidikelt récemment soumis et d’une cinquantaine de Chaambas, mit en déroute un « rezzou » de 300 Touareg.
Les compagnies nomades, étrange armée des dunes,
encadrée par des officiers « inspirés »

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1905 : on recrute comme au chantier
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   En effet, le décret du 1er avril 1902 autorisait la levée des compagnies méharistes du Gourara et du Touat à l’aide « d’indigènes recrutés au Sahara même, capables de se nourrir et de s’entretenir sur place, d’où suppression des transports si onéreux que les convois de ravitaillement nous imposent ».
    Cet extrait du rapport de présentation au président de la République montre que le point de vue financier continuait à prévaloir dans les hautes sphères gouvernementales, qui continuaient à ignorer le rôle politique essentiel des nouvelles formations.
    Aussi l’évolution des compagnies sahariennes était-elle loin d’être achevée. Ce fut la grande œuvre de Laperrine, qui s’efforça de les transformer en unités aussi aptes à assurer la police du désert qu’à « apprivoiser » nos adversaires du moment, destinés à devenir, dès que possible, nos amis.
    Il fut considérablement aidé dans cette tâche par l’admirable « équipe » des officiers des affaires indigènes et des cadres subalternes français attirés par cette extraordinaire aventure dans le désert.
    D’autre part, le rattachement, en juillet 1903, du commandement des Oasis à la subdivision militaire d’Ain-Sefra allait placer Laperrine sous les ordres directs du général Lyautey, qui, on peut s’en douter, fut entièrement d’accord avec lui pour rendre plus efficace la protection de l’oued Saoura et des confins algéro-marocains contre les incursions des nomades Beraber de l’Ouest.
    Enfin, dans cette mission de pénétration pacifique, il ne faut pas oublier l’action du P. Charles de Foucauld, le grand ami de Laperrine, qui, après une jeunesse agitée et un sensationnel voyage de reconnaissance au Maroc, était entré dans les ordres et avait obtenu l’autorisation des autorités religieuses et militaires d’aller se fixer au Sahara pour y vivre en ermite.
    Finalement, ce n’est que le 1er août 1905 qu’un décret rendit officielle l’existence des compagnies sahariennes.
    Chaque unité, commandée par un capitaine assisté de trois ou quatre lieutenants, tous appartenant au service des affaires indigènes, et d’un médecin militaire, formait corps et s’administrait isolément.
    Une vingtaine de sous-officiers et gradés français, tous volontaires, assuraient l’encadrement de la troupe, dont l’effectif total pouvait varier de 180 à 300 hommes selon le type d’unité.
    Le recrutement s’effectuait « à la commission », c’est-à-dire par contrat passé directement avec le commandant de la compagnie – qui était en même temps chef du bureau des affaires indigènes local – et susceptible d’être dénoncé à chaque instant par l’une ou l’autre des parties contractantes. Après une certaine période d’épreuve, le saharien pouvait souscrire un engagement, puis rengager par la suite.
    Il devait fournir sa monture (deux chameaux ou un cheval), celle-ci devenant la propriété de l’État français après règlement de sa valeur aux nouveaux engagés.

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La vitesse du chameau
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   Chaque saharien percevait une arme et un paquetage réduit. Avec sa solde et ses indemnités spéciales, il était tenu d’assurer lui-même sa subsistance et celle de sa monture.
    Ainsi équipé, un méhariste portant dix jours d’eau, des vivres pour un mois et deux cents cartouches, était capable de parcourir 1 000 kilomètres sans ravitaillement et d’accomplir des étapes de 80 kilomètres...
    On cite l’exploit d’un détachement léger ayant couvert 150 kilomètres en vingt-quatre heures !
    C’est avec cette troupe d’une légèreté et d’une rusticité incomparables que Laperrine allait pouvoir entreprendre la pacification du Sahara central. À la fin de 1905, il avait à sa disposition les unités suivantes :
. La compagnie saharienne de Colomb-Béchar, chargée de la sécurité des oueds Zousfana et Ghir, uniquement composée de fantassins et de cavaliers.
. La compagnie saharienne de la Saoura, basée dans l’annexe de Beni-Abbès.
. La compagnie saharienne du Touat, spécialement chargée de l’occupation et de la défense du groupe d’oasis Touat- Gourara.
. La compagnie saharienne du Tidikelt, basée à In-Salah, était chargée d’assurer le contrôle des Touareg ralliés.
    Ces deux dernières unités, spécialement aptes à effectuer des raids à longue distance, avaient en permanence la moitié de leur effectif en tournée de nomadisation et restant parfois six à huit mois sans retourner à la base.
    Dix ans après la constitution des compagnies sahariennes, la pacification du Sahara aurait pu être terminée en continuant d’appliquer la grande idée de Laperrine: faire mieux aimer la France en arrachant au désert ses secrets.
    Malheureusement, le déclenchement de la première guerre mondiale va remettre tout en question. Le général Laperrine et une partie de son équipe d’officiers partirent pour le front de France. Ceux qui les remplacèrent manquaient parfois d’expérience et ne purent empêcher leurs administrés d’être au courant des revers de nos armes en Europe, d’où une perte de prestige particulièrement néfaste en milieu musulman.
    La guerre sainte contre les Français est prêchée dans le Sud tunisien et les Touareg sont soumis à une propagande intense de la part de leurs coreligionnaires de l’Est. En 1916, après la chute de Djanet et malgré les efforts héroïques de nos unités sahariennes, la dissidence atteint les Ajjer, puis le Hoggar tandis qu’au sud le poste d’Agadès était soumis à un siège de quatre mois.
    C’est alors que le général Lyautey, ministre de la Guerre de l’époque, eut l’idée de créer un commandement unique pour l’ensemble des territoires sahariens et de le confier à son ancien subordonné, le général Laperrine, qui commandait alors une division sur la Somme.

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L’exploit de Lecocq
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   Les résultats furent presque immédiats : la confiance revint au cœur des Français et de nos amis restés loyaux. Laperrine accomplit d’incessantes tournées d’apaisement et poussa même jusqu’à Tombouctou, tandis qu’il chargeait Moussa al-Amastane, amenokal des Touareg, de ramener ses frères à la raison.
    Néanmoins, il fallut plusieurs années avant de rétablir le calme dans l’Est saharien et achever la pacification du Tibesti après le retour des Italiens au Fezzan, en 1930.
    La compagnie saharienne des Ajjer, créée en 1924, fut spécialement chargée d’assurer la sécurité de cette zone et effectua plusieurs liaisons avec le sud, la plus spectaculaire étant celle de la traversée directe du Ténéré par le détachement du lieutenant Busset qui, en 1934, relia Djanet à Agadès en soixante-seize jours de marche, dont dix-huit sans trouver un point d’eau.
    La situation dans l’Ouest saharien reste stationnaire jusqu’en 1934, date à laquelle l’occupation du Sud marocain permit au général Giraud, commandant les confins algéro-marocains, de régler le problème des nomades du Sahara occidental par une action combinée vers Tindouf, suivie d’une tardive occupation du Rio de Oro par les Espagnols.
    Entre-temps, les « rezzous » Reguibat, Beraber, Tekna purent opérer jusque dans l’Adrar mauritanien et les unités méharistes algériennes et coloniales durent multiplier les contre-rezzous, ou reconnaissances, toujours très pénibles et parfois très meurtriers.
    C'est ainsi qu’entre le 1er novembre 1931 et le 1er septembre 1932, les 700 hommes des groupes nomades de Mauritanie eurent 110 tués au combat (dont trois officiers et cinq sous-officiers). À cette même époque se situe l’extraordinaire exploit réalisé par le capitaine Lecocq, qui, avec son groupe nomade de Chinguetti, se lançant à la poursuite des assassins du lieutenant Mussat, parcourut dans une région sans eau 750 kilomètres en une semaine et livra deux combats victorieux.
    Au nord, les sahariens de la Saoura, aidés par les compagnies montées à mulet de la Légion étrangère, puis par les goums sahariens marocains, menèrent pendant une quinzaine d’années une lutte incessante qui se termina, le 1er mars 1934, par l’occupation de Tindouf et la liaison avec la Mauritanie, qui marquent l’achèvement de la pacification de l’ensemble du Sahara français.
   À ce moment, le règne du chameau était achevé par suite de l’utilisation progressive des moyens fournis par la technique moderne.
    La radiotélégraphie, l’automobile et l’avion accrurent considérablement les possibilités d’emploi des troupes du désert tout en ne modifiant pas leurs qualités propres.
    La guerre de 1939-1945 ne concerna directement que le Sahara oriental, mais, à la différence de celle de 1914-1918, elle opposa entre eux des Européens – Français et Italiens – disposant de troupes autochtones.
   À partir de novembre 1942, à la reprise du combat par l’Afrique du Nord, ils aidèrent, par des actions de harcèlement le long de la frontière libyenne, la progression des troupes alliées dans le Sud tunisien et celle de la colonne des Français libres du général Leclerc, venue d’A.E.F. par le Tibesti et le Fezzan.
    Les importants points d’appui italiens de Ghadamès et de Ghat capitulent fin janvier 1943, terminant ainsi la conquête du Fezzan entreprise par Leclerc dès 1941 par les célèbres raids sur Koufra et Mourzouk, premières victoires de la France libre.
    Après la fin de la seconde guerre mondiale, les troupes sahariennes reprennent leurs missions habituelles et étendent leur zone d’action par l’occupation du Fezzan, qu’elles assurent jusqu’en 1952 avec l’aide de la compagnie saharienne du Sud tripolitain et de la 3ème compagnie saharienne portée de la Légion étrangère.
    En 1947, une réorganisation des unités est entreprise et à cette date existaient :
. Dans le Sahara algérien : cinq compagnies entièrement méharistes : Touat (Adrar) ; Saoura (Tindouf) ; Tidikelt-Hoggar (Tamanrasset) ; Tassili (Fort-Polignac) ; Erg oriental (El-Oued) ; deux autres, équipées de véhicules tout terrain, devenaient les compagnies sahariennes portées de la Zousfana (Colomb-Béchar) et des Oasis (Ouargla).
. Dans le Sahara méridional : les groupes nomades d’Arouane, de Timatrine, du Kanem, du Borkou, de l’Ennedi, d’Agadès qui, par la suite, auront comme supports les compagnies sahariennes motorisées d’A.O.F. (Atar, Tombouctou, Gao, Agadès) et d’A.E.F. (Abéché, Moussoro, Largeau).

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Une fidélité exemplaire
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   Mais, bientôt, le Sahara va perdre sa réputation de « désert parfait » sans intérêt économique. Dès 1948, sa prospection géologique, entreprise sur une grande échelle, permet de déceler des gisements très importants de houille, de minerais divers et surtout d’hydrocarbures liquides et gazeux.
    Depuis lors, on aurait pu penser que les successeurs de Laperrine avaient terminé leur mission dans le « grand désert ».
    Mais le Sahara, malgré son relatif isolement géographique, ne pouvait rester à l’abri des remous provoqués par l’accession à l’indépendance de nos protectorats d’Afrique du Nord et des colonies du continent noir.
    Les répercussions de la rébellion algérienne s’y manifesteront avec un certain décalage parmi les populations sédentaires tandis que les grands nomades chercheront à reprendre leur indépendance après cinquante années d’une paix française qui avait mis fin à leurs querelles raciales et à leurs rivalités tribales.
    Pourtant, nos unités méharistes resteront, en dépit de quelques défections, comme celle d’éléments de la compagnie du Touat en octobre 1957, parmi les plus fidèles de notre armée d’Afrique, si profondément déchirée depuis novembre 1954 en Algérie.

Colonel Y. JOUIN




Le vent, le sable, et c'est la vertigineuse architecture de ces dunes fauves,
sous un ciel souverainement bleu, dans un silence intense



Une compagnie de méharistes

Un homme bleu. Ces Touareg, aux vêtements teints en indigo, qui peuvent, avec dix jours d’eau, parcourir 1 000 kilomètres et dont le pays (le Hoggar), l’histoire et la légende ont fasciné des générations de sahariens. Le Hoggar, au centre du désert, est le fief des Touareg. C’est dans ce massif, à 2 804 mètres d’altitude, au pic de l’Assekrem, que le P. de Foucauld avait construit son ermitage. Le Hoggar est constitué de basaltes noirs et de granites mauves


Sous leurs tentes noires, les nomades, qui vont où peuvent paître
et boire leurs chameaux, qui font ces longues cohortes de voyageurs
solitaires qu’on aperçoit, soudain, dans le sillon des dunes et qui
surgissent de l’ombre pour entrer dans l’aveuglante lumière saharienne.
Ils sont les passeurs d’armes, ou de tissus, ou d’épices, ou de sel.
Les éternels caravaniers...



Une oasis, ville-jardin du désert. Le temps y passe sans modifier le paysage ni les
costumes ni les coutumes. Ils sont le fait du climat, de la solitude, de l’éloignement.
Des palmes par-dessus les murs en torchis, et des ruelles de sable qui étouffent
le bruit des pas. On n’y entend que les voix, le vent, le bruit de l’eau.
Le Sahara impose à l’homme sa pureté et sa grandeur...



« Il faut que les compagnies sahariennes deviennent de véritables compagnies
nomades », disait Laperrine. Elles le devinrent. Une armada de chameaux...



Le soleil blondit les pierres, le torchis, et donne à ces ruelles un air
de mystère serein. À la première pluie (et elles sont torrentielles), ces
murs fondraient comme du sucre. Mais il ne pleut presque jamais, ici



Le Hoggar. Inquiétant. On l’appelle aussi Ahaggar. Une sorte de forteresse
dont le donjon atteint 3 006 mètres. C’est le massif de l’Atakor. Les Arabes
l’appellent Koudia. Le soleil y donne des orgies de couleurs



Le Sahara violé ! Des routes goudronnées et, sous les palmes,
de l’autre côté de la route, un toit de tuiles roses sur une architecture provençale.
Maintenant, le Hoggar appartient aussi aux touristes. On y organise des méharées


Le méhari, à la morphologie préhistorique, aux colères assourdissantes.
Il a fait son apparition à la fin de l’Empire romain. C’est par lui que le nomade
a conquis le désert, perché sur cet étrange vaisseau aux longues jambes


 

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