Je me souviens...
Le
transsaharien de Reggan-Plateau
Alain BROCHARD – 63/1 – Technicien radio –
Base Aérienne 167
J’ai eu grâce au site du 3ème Groupe de Transport et également aux documents trouvés sur le Net, un aperçu de ce que pouvait être dans le désert, ces activités de transport, tant militaires que civils. Bon nombre de chauffeurs et passagers ont pu avoir le loisir d’avaler des kilomètres de piste, dans des conditions impossibles, à commencer par l’absence de « clim…», respirant à satiété toute cette poussière, bien connue des « routiers du désert ». J’aurais aimé participer à ce genre d’expédition, la destinée l’a voulu autrement. Malgré tout, j’ai la chance aujourd’hui grâce à tous ceux qui ont pu faire la piste, d’imaginer « sans la poussière évidemment », de pouvoir rêver à travers les documents publiés, sur ces diverses randonnées.
Je fus pourtant un jour, confronté à ce style de camion ! Je n’avais jamais vu d’engins aussi gros. Et le véhicule en question, qui devait être un « WILLÈME » était tellement impressionnant au moment de le croiser, que nous n’eûmes guère le temps de l’admirer.
De mémoire, c’était une bête énorme, d’une largeur, d’une longueur, avec une cabine si haute que le chauffeur (un gars du coin) avait l’air d’un tout petit bonhomme.
Bref la frayeur, vous allez voir pourquoi !
Je revenais de faire une mission quelconque à l’autre bout du Plateau, sans doute du côté de la station réception, la mémoire me manque. Après avoir traversé la base, nous reprenions la direction de l’escale, avec Bernard, un copain de Vendée, qui était notre chauffeur privilégié. Nous remontions la route face à la centrale électrique, avec l’attention de ceux qui se racontent des histoires d’anciens combattants, sans trop se soucier de la circulation. Car même si à l’époque, il y avait quelques « bisons pas forcément futés » sur le Plateau, la circulation n’était jamais dans le rouge.
Nous abordions donc le virage à droite, face à la centrale, quand : « Ô rage, ô désespoir, ô jeunesse ennemie », nous nous retrouvâmes face à un monstre sorti de l’apocalypse, qui traçait son chemin vers Reggan-Ville, sans se poser de questions.
Que faire, la route était tout juste assez large pour lui, et nous donc ?
Ce mastodonte ne ferait qu’une bouchée de notre 4x4 Renault et nous serions avalés du même fait. Bernard qui ne dormait pas, se réveilla en sursaut, mettant la barre à tribord toute, il nous sauva du massacre, arrachant malgré sa meilleure volonté une bonne dizaine de mètres de la clôture du 620ème GAS.
Le délit de fuite ne fut pas retenu, il n’y avait personne à l’horizon et sans nous arrêter nous reprîmes la route, à gauche toute, pour éviter l’ensablement. Le ridicule ne tue pas mais quand même ! Là nous aurions eu droit aux félicitations du jury.
Pour les frais de clôture, si un des gars du 620ème nous recherche, nous pourrons toujours remplacer le constat amiable, au goût aujourd’hui de péremption, par le verre de l’amitié, un bon pastis par exemple sans eau magnésienne !
Que faisait ce camion sur la base ? Sans doute avait-il loupé la route de Reggan-Ville à l'entrée Est de la base, nul ne le saura...
PS : Pour ceux qui l'ont vu, rappelez-vous du film d’Henri Verneuil « Cent mille dollars au soleil », avec Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo, Bernard Blier. Était-il représentatif de ces longs parcours dans le désert, sans doute un peu, qu’en pensez-vous ?