Je me souviens...

Descente d'antennes

Alain BROCHARD – 63/1 – Technicien radio – Base Aérienne 167

 

Pour une descente, ce fut une descente.
Ce matin-là nous étions partis à la station réception sergent en tête et Bernard qui nous accompagnait (faute de véhicule perso), afin d’inspecter les antennes VHF et décider de celles qui devaient être démontées.
Nous devions donc grimper en haut du pylône, sur lequel étaient installées nos fameuses antennes. La montée se faisait par deux échelles à 30 degrés, puis la troisième, la plus longue, était à la verticale vu le rétrécissement du pylône vers le haut. Les barreaux trop fins ne permettaient pas vraiment une montée des plus sécurisantes.
Nous accédions à un « panier central » en bout de « mât », ceci par une double trappe qui, une fois refermée, était censée protéger les « alpinistes » d’une chute sans retour.
La vue était belle et la panoramique de notre ami Jacques OUDOIRE, (que je remercie au passage : Voir sa page sur le site), montre à quel point l’intérêt d’une photo, méritait de se hisser là-haut.


Mais notre sujet était autre et lorsque le sergent eut refermé la trappe, posant un pied dessus pour s’assurer que tout allait bien, son pied s’enfonça et la moitié de cette sacrée trappe fit une descente d’enfer. Heureusement pour notre homme, il avait pu s’agripper et en conséquence était resté avec nous.
Charnières pourries ! L’autre partie était du même tonneau donc : « un homme averti en vaut soi-disant deux », du coup mathématiquement nous étions donc à six là-haut !!!


Pylône de droite sur la photo,
Prise de vue A BROCHARD


Après avoir examiné le travail à effectuer, nous redescendîmes pour constater que la moitié de la trappe était complètement tordue après cette chute plus que vertigineuse.
Le lendemain Bernard m’accompagnait sur les lieux du « crime ». Il fallait acheminer le matériel de mesures, l’outillage et la « K… », pour réaliser au mieux cette mission décidée par un adjudant nouvellement arrivé de France et qui allait progressivement remplacer le sergent.
Le dicton : « On sait toujours ce qu’on perd, mais jamais ce qu’on gagne », s’appliquait parfaitement à ce dernier. Nous le saurions plus tard !!!

À nouveau là-haut, il fallait tout d’abord contrôler les antennes en service et celles qui ne l’étaient pas.
Quoique, si nous avions su la suite, débrancher les mauvaises aurait été plus que « Courtelinesque ».
Il nous fut forcé de constater dans un premier temps que nous n’étions ni l’un ni l’autre assez grand pour effectuer le contrôle nous garantissant le bon choix. Les antennes réparties à chaque angle des « paniers » étaient fixées sur des petits mâts d’environ deux mètres de haut, pour être dégagées de la masse métallique du pylône.
À vingt ans on n’a peur de rien, le technicien c’était moi, donc à moi de jouer !
J’indiquai à Bernard que j’allais grimper sur le rebord du panier, en me cramponnant au bout du mât qui surélevait les antennes deux par deux, lui, aurait l’ohmmètre dans une main et de l’autre il me tiendrait les jambes, du véritable cirque !
Inconscience certainement, toujours est-il que les mesures se firent dans ces conditions, au grand risque d’un plongeon sans retour, car en bas la piscine était trop loin !!!

La matinée se passa et contents de nous, nous redescendîmes tout notre matériel y compris les deux antennes, car l’après-midi, il ferait trop chaud !
Pour la « K… », elle avait été consommée là-haut, les cadavres eux n’avaient pas eu le temps de prendre l’échelle.
Nous étions sur le retour lorsque fut croisé, au pied de la tour de contrôle, l’adjudant qui partait déjeuner.
S’apercevant que nous n’avions démonté que deux antennes dans la matinée, il ne put s’empêcher, je dirai pour être plus poli, de nous « crier » dessus.

Je n’avais pas trop l’habitude de me faire insulter par ce style de personnage, de plus nous étions, Bernard et moi, à un mois du départ, alors vous pensez bien que la réponse fut à la hauteur de l’attaque :

OK mon adjudant vous avez sans doute raison mais maintenant, pour nous, c’est terminé, nous ne démonterons pas les autres !
Et pourquoi donc répondit-il ?
Vous irez voir vous-même ou ferez monter quelqu’un d’autre, pour nous c’est terminé.
Le type commençant à s’énerver, je lui fis comprendre que sans moyen de sécurité, harnais ou autre, il n’était pas question de remonter là-haut.
Comme quoi exécuter l’ordre et ensuite, le discuter !
Pour nous c’était un « NIET » franc et massif quitte à aller au « TROU ».
Finalement il n’y eut pas de TROU pour nous, quant aux antennes, j’ignore quand elles furent démontées car au moment de notre départ de Reggan, elles étaient toujours là-haut et personne ne s’en trouvait plus mal. Sans doute l’adjudant n’avait-il pas trouvé d’acrobate pour ce faire. Les cirques à l’époque ne faisaient pas leurs tournées jusque là !!!

L’art du « management », pour me répéter, n’est pas inné et n’est surtout pas une question de position hiérarchique.

Pour conclure, je vous donnerai les six phases quant à une réalisation quelle qu’elle soit !

LES SIX PHASES D’UN PROJET


                                L’ENTHOUSIASME
                                LA DÉSILLUSION
                                LA PANIQUE
                                LA RECHERCHE DES COUPABLES
                                LA PUNITION DES INNOCENTS
                                LA RÉCOMPENSE DE CEUX QUI N’ONT RIEN FAIT


Alain BROCHARD – Septembre 2009

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