Souvenir Saharien

 

La nuit est tombée sur le désert en feu
Un souffle de vent chaud emplissait la nature
Assis sur une pierre je regardais les cieux
Le ciel me regardait découvrant sa parure

            Puis je fermais les yeux, car la nuit me parlait
            Et je n’osais bouger de peur qu’elle ne se taise
            Ici je vous conterai tout ce qu’elle me disait
            C’était si merveilleux que j’en tressaillais d’aise

« Soldat du Sahara », murmurait-elle tout bas
Légionnaire du désert à l’âme si païenne
Je vais te faire savoir ce que tu ne sais pas
Écoute, ici, plus près, dans la paix saharienne

            Et j’ai laissé parler mon âme subconsciente
            Regardant les étoiles briller au firmament
            Dans une nuit bleutée sous le ciel de l’Atlante
            Tandis que le vent chaud me berçait doucement

Ô toi l’Aventurier qui voudrait tout connaître
Regarde ce chamelier s’avançant dans la nuit
Il passe sur la dune pour après disparaître
Dans une cendre fine entourée d’or bleui

            Tu sais ce qu’il cherchait cet errant solitaire
            À une heure où les hommes tournés vers l’Occident
            Rêvent aux amours passées, à leur vie de sectaire
            En un repos bien doux sous un ciel peu clément

Sais-tu ce qu’attendait cette ombre du Néant
En parcourant la dune sous la voûte étoilée ?
Je te le fais savoir si tu veux à l’instant
C’était le puits lointain dans la mer ensablée

            J’éprouvais un frisson en songeant au nomade
            Qui parcourait ainsi un océan mouvant
            Recherchant une vie, une eau parfois bien fade
            Et qui ne trouverait peut-être qu’un trou béant

J’enfonçais dans le sol une main languissante
Et le sable s’échappait d’entre mes doigts tiédis
Une fine poussière retombait rutilante
Car la lune se jouait sur les grains d’or jaunis

            Un émouvant silence planait sur toute chose
            Oui c’était le néant qui régissait les lois
            Je me sentais petit dans cette apothéose
            Où régnait l’inconnu d’un mystère aux abois

Je frissonnais encore quand la nuit s’était tue
J’apercevais l’aurore qui incendiait les monts
Le soleil bondissait au milieu de la mer
Tandis que finissait la ronde des démons

            Jamais je n’oublierai l’écho de cette nuit
            Au seuil de la Mort, je voudrais qu’elle vienne
            Une dernière fois me bercer sans un bruit
            Couvrant mon front glacé d’une ombre saharienne

                                           D.L.

 

Source :

Képi blanc
Journal mensuel de la Légion Étrangère
n° 59 – 1er mars 1952