La Croisière des Sables SAVIEM

 

L’axe Cap Vert Mer Rouge est un itinéraire ouest-est emprunté jadis par les pèlerins mauritaniens se rendant à la Mecque, mais depuis que l’automobile existe, rares – pour ne pas dire exceptionnelles – furent les tentatives visant à rejoindre la Mer Rouge depuis l’Océan Atlantique en passant exclusivement par les zones désertiques. Tel fut pourtant l’objectif de la Croisière des Sables menée de janvier à avril 1977 à l’aide de SAVIEM TP3 4x4 et SM8 4x4.


L’itinéraire de la Croisière des Sables et la position de ses balises du Sénégal à l’Egypte

 

Les pistes nord sud du Sahara

Il n’existe encore aucune vraie route pour relier l’Afrique noire aux pays du Maghreb, on trouve donc que quelques pistes.
Depuis le Maroc la piste impériale (aujourd’hui asphaltée) descend le long de l’Atlantique en direction de la Mauritanie. Longtemps située en zone dangereuse, non balisée, parfois minée, elle continue au sud où le parcours mauritanien n’a guère changé depuis des temps immémoriaux.
En Algérie, trois pistes s’étirent vers l’Afrique noire : à l’ouest, la piste de Reggan par le Tanezrouft, à l’ouest la piste de Djanet qui se dirige vers le Djado nigérien en suivant un itinéraire balisé par la Mission Berliet et au centre, la piste de Tamanrasset qu’on avait transformée un peu hâtivement en route goudronnée et qui a mal résisté aux oueds généralement à sec, mais qui se muent parfois en torrents déchaînés arrachant le goudron et son socle de béton.
En Libye, depuis la côte des syrtes, des traces incertaines finissent en impasse ou presque, aux oasis de Gatroum et de Koufra.
Depuis Assouan en Egypte on peut tenter de rallier Port Soudan le long de la Mer Rouge par quelque 800Km à travers le désert de Nubie. On compte donc sur les doigts des deux mains les itinéraires à peu près établis pour traverser le Sahara du nord au sud.


Ouvrir la piste et la matérialiser avec des balises, tel fut l’un des objectifs de la Croisière des Sables

 

C’est malheureusement une réalité, il n’existe aucune piste transversale pour traverser le Nord de l’Afrique d’ouest en est par les déserts.
Les habitants d’une région difficile – ou même facile – ne pratiquent pas le tourisme vagabond, fussent-il de grands nomades. Ils se déplacent pour des motifs utilitaires sur des itinéraires établis qui restent toujours les mêmes au fil des générations.
Dans le sahel, il s’agit de parcours de transhumance, de puits en puits et d’herbage en herbage. Ou bien d’allers et retours pour des échanges : vivres ou sel contre tissus… Sur le tracé envisagé, l’intervalle entre des puits hypothétiques dépasse parfois 1000 km ; c’est trop par rapport au rayon d’action des dromadaires, même débarrassés de toute marchandise négociable, mais pour des Européens bien équipés ?
En approfondissant leurs recherches les organisateurs constatent que les 4x4 légers possèdent une charge utile très suffisante pour emporter les hommes et les vivres, mais pas l’eau et le carburant, puisque sur les 10500 km du parcours prévu (dont 6500 km hors piste), la Croisière des Sables ne traversera que cinq ou six oasis. Il faut donc emporter depuis le départ presque tout ce qui sera indispensable en prévoyant par exemple une autonomie de carburant d’environ 2000 km fondé sur la consommation en tout terrain.
Très vite, il est apparu que seuls des camions toutes roues motrices permettraient d’emporter tout ce qui serait nécessaire.


Les grandes transsahariennes sont jonchées de cadavres. Hors pistes il arrive que l’on
fasse des rencontres macabres : des squelettes de dromadaires, voire ceux d’êtres humains


En 1976 la marque « camion » de Renault s’appelle SAVIEM.
Rapidement la SAVIEM s’engage dans l’opération car il est probable que le constructeur y ait vu un excellent moyen de promouvoir ses camions 4x4 (TP3 et SM8 4x4 notamment) à une époque où le SM8 4x4 doit encore s’imposer vis-à-vis de ses quelques concurrents dans le cadre de l’équipement de l’armée française (les Berliet GBC 8 KT ont été produits jusqu’en 1977 et leur successeur un autre 4t tactique n’est pas encore officiellement choisi.
Outre les quelque 5000 litres de carburant (essence pour les TP3 et gazole pour les SM8) qui représente le « grand plein » et qu’achemine un des SM8 4x4 (PTAC11t) dans des fûts de 200l, chaque camion emporte quatre à six nourrices de secours, un fût d’eau quelques vivres et son jeu de plaques de désensablage, fixés sur l’extérieure de la carrosserie.
Au total, les véhicules transportent 15t, ce qui est relativement faible par rapport au nombre de véhicules engagés, mais conforme à leur charge utile. (Le TP3 n’est, d’un point de vue militaire, qu’une camionnette tactique…).


La « piste SAVIEM » débute à Gao, ou commence la pose des fameuses balises SAVIEM
en des lieux où le passage des véhicules est rarissime. Il est d’ailleurs très vraisemblable que
les camions SAVIEM furent les premiers à fouler le sol en de nombreux endroits sur la partie
de l’itinéraire de la Croisière des Sables. C’est notamment le cas des Monts du tamgak dans
le massif de l’Aïr dont le franchissement succède à la voie inédite suivie de Gao à Agadez.

 


De passage à Agadez, photo du groupe devant la mosquée


Au cour du périple, le rythme de progression consiste à rouler dix heures par jour, ce qui est beaucoup en hors piste. Dans les cas les plus difficiles, une journée est nécessaire pour parcourir une dizaine de kilomètres, mais il arrive également qu’il soit possible de foncer à 80 km/H sur 200km quand une dune n’exige pas à elle seule une matinée d’efforts.

En 1977 la Croisière des Sables a contribué à aviver l’intérêt du public pour les traversées des déserts africains.
La réussite de l’expédition a démontré que les raids à très long parcours, sur terrain difficile dans des zones peu ou pas explorées ne sont pas du domaine du 4x4 léger (dont la charge utile est trop faible), mais du camion tout terrain.
Les précédentes expéditions comparables (Croisière noire Citroën et Mission Berliet au Ténéré) avaient elles aussi adopté le poids lourd.


La Croisière des Sables n’était pas qu’une ballade exaltante, elle a montré la possibilité de lancer un pont entre les pays du dessert et ceux du Sahel. Une route une piste, c’était la possibilité d’échanges profitables à tous et d’une compréhension meilleure.
On a souvent prétendu que les océans n’étaient pas un obstacle, mais un lien entre les peuples.
Souhaitons qu’on puisse en dire autant du grand désert Saharien.

Résumé d’un article paru dans :


Alain CHUETTE - Juillet 2010


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