Les
missions BERLIET au Sahara
le GBC 8
Les
légendes et articles sont de Jean François COLOMBET
Rédacteur en chef de « Charge Utile Magazine »
FORT
LALLEMAND – FORT THIRIET
ESSAIS GBC 8 6x6 GAZELLE
Mars 1959
Les trois Gazelle en présence durant le raid Trapil sont respectivement un GBC 8 6x6 à pneus Michelin 1200 x 20 X simples, un GBC 8 HM 6x6 à pneus Dunlop 10,5 x 20 Nylon jumelés et un GBC 8 M 6x6 à pneus Dunlop 1200 x 20 Nylon simples, ici garés dans l’ordre.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Lancée en mars 1959, cette mission a pour but la reconnaissance avec des véhicules légers et de moyen tonnage d’un itinéraire préalablement étudié sur photos aériennes, pour déterminer les possibilités d’accessibilité du grand erg, et en particulier de son axe nord- ouest sud-est. Ceci afin de connaître les moyens et les lieux d’implantation de camps de base pour les pétroliers ayant un permis de recherche dans le secteur, l’étude éventuelle d’un axe routier et l’étude d’un tracé de pipe, projet qui semble d’ailleurs avoir été abandonné pour d’autres raisons que l’accessibilité.
Cette mission est organisée par la Trapil en ce qui concerne l’étude de l’itinéraire, l’observation du matériel automobile, l’étude du terrain et celle des tracés de pipe-line. L’OTS et l’OCRS sont chargés du balisage.
Participent à la mission trois GBC différents, dont un GBC 8 M 6x6 animé par un moteur Magic et chaussé de pneus Michelin 1200 x 20, un GBC 8 6x6 à moteur Ricardo monté en Dunlop Nylon 1200 x 20 et un GBC 8 RM 6x6 à moteur Magic et pneumatiques Dunlop Nylon 10,50 x 20 jumelés à l’arrière. Ils sont accompagnés par une Land Rover pilotée par Maurice Berliet. Des matériels concurrents sont également du voyage : un Saviem H 16 A1 TZ 6x6 à moteur Latil 120 chevaux et pneus Michelin 1400 x 20, un tracteur forestier Latil H 14 TL 12, deux Renault R 2167 4x4 Sinpar 1 500 kg, un Marmon-Herrington prototype de 1 500 kg présenté au Salon de 1958, ainsi que des Mercedes Unimog 404 et des Dodge 4x4 et 6x6 de l’armée française appartenant au peloton de protection de la compagnie méhariste portée de Ouargla.
De nombreux observateurs assistent à la mission qui sera connue sous le nom de « raid Trapil ».
Du côté des Berliet, sur le plan mécanique, on retient que les seuls incidents rencontrés concernent les barres d’accouplement de direction des véhicules, qui se faussent à la longue avec les chocs de la piste et ceux enregistrés au cours des franchissements. Les bielles de retenue des ponts prennent également peu à peu un jeu excessif. Plusieurs cas de cames de freins arrière grippées sont par ailleurs signalés.
Sur le plan des pneumatiques, il apparaît que les meilleurs résultats sont obtenus avec les pneus Dunlop 1200 x 20 Nylon. Le comportement est excellent, les possibilités de franchissement supérieures à celles des autres Gazelle. Les pressions « sable », qui n’ont pas été modifiées durant tout le parcours, donnent des traces très peu profondes. En revanche, la Gazelle chaussée des nouveaux pneus Michelin 1200 x 20 X à sculptures en pavés n’affiche plus du tout les mêmes capacités de franchissement qu’avec les 1200 x 20 « zig-zag ». Le pneu fouille le sable et les franchissements de crêtes sont pénibles. Très nette infériorité par rapport au précédent, malgré un allègement en cours de mission. Quant au GBC 8 HM 6x6 monté en jumelés, son comportement est bon en dévers, mais l’augmentation de tirage dû au jumelage gêne par manque de puissance le franchissement aisé des crêtes.
En ce qui concerne l’axe Fort Lallemand – Fort Thiriet, on peut affirmer que cette liaison est réalisable par les véhicules légers et de moyen tonnage (jusqu’à 4 tonnes utiles) sans aménagements spéciaux, mais en augmentant simplement le balisage.
En revanche, cette traversée de l’erg oriental « n’a pas permis une comparaison des différents véhicules en présence, et ceci pour deux raisons. D’abord, l’étude détaillée de cet itinéraire a permis d’éviter les grosses difficultés et en aucun cas on ne s’est heurté à des brides ou à des massifs de l’importance de ceux que nous avions rencontrés au cours de nos dernières missions. Ensuite, l’horaire extrêmement souple et les pertes de temps dues à la recherche de l’itinéraire permettaient aux concurrents de rechercher un passage plus facile chaque fois qu’une difficulté se présentait, évitant ainsi toute confrontation ».
La Gazelle équipée des pneus Dunlop 1200 x 20 X Nylon simples à l’arrière se révèle la plus performante des trois. Les sculptures de l’enveloppe n’offrent en effet que peu de résistance à l’avancement du véhicule et laissent dans le sol des traces très peu profondes. Remotorisé avec un cinq cylindres Magic, le véhicule est vu ici en cours de gravissement d’une dune dans le grand erg oriental.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Cette autre gazelle est un GBC 8 M 6x6 animé d’origine par le même moteur, qui délivre 150 chevaux. Ses pneumatiques sont les nouveaux Michelin 1200 x 20 X à sculptures en pavés qui font là une de leurs premières apparitions dans le sable. Les résultats ne sont pas probants. Les nouveaux pneus accrochent trop et fouillent le sable dans les pentes, contribuant à l’ensablement et diminuant les capacités de franchissement.
(Cliché Fondation de l'automobile Marius Berliet)
Le GBC 8 RM 6x6 est la version renforcée du GBC 8 M 6x6, dotée d’origine de pneumatiques jumelés à l’arrière. Le véhicule de ce type qui participe au raid Trapil affiche une allure un peu singulière, car sa caisse est plus étroite que la largeur hors tout de ses pneus à l’arrière. Ces derniers sont des Dunlop 10,5 x 20 Nylon fournis par Dunlop. Le gain de portance généré par la monte en jumelés à l’arrière ne favorise pas vraiment le véhicule car leur tirage, c’est-à-dire leur résistance à l’avancement, gêne le camion lors du gravissement des dunes, en raison de la puissance somme toute modérée du moteur cinq cylindres Magic. Sur route goudronnée ou, comme sur le cliché ci-dessous, sur piste très roulante, c’est ce GBC qui enregistre la consommation la plus modérée, de l’ordre de 32 litres aux cent.
Pour les participants de chez Berliet, le raid Trapil ne sert aucunement à comparer leurs véhicules à ceux de la concurrence, les difficultés rencontrées pouvant aisément être contournées avec un peu de temps. En revanche, le raid est utile pour comparer les différentes montes en pneumatiques équipant les engins, avec les incidences de chacune sur les capacités de franchissement, la vitesse et la consommation. On découvre ici le GBG 8 6x6 avec monte en Dunlop simples et le GBC 8 RM 6x6 avec monte Dunlop jumelée, les véhicules étant accompagnés par une Jeep Hotchkiss Willys JH 101 de l’OCRS.
(Cliché Fondation de l'automobile Marius Berliet)
Les trois véhicules apparaissent ici au bivouac en soirée. On décharge alors les lits de camp, les affaires personnelles et le bois pour le feu.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Le départ de la mission Ténéré s’effectue d’Alger. Les véhicules quittent la succursale Berliet installée rue Hussein Dey le 6 mars 1959. M. Conty pilote la première Land Rover. M. Rogniez, qui n’en est pas à sa première mission saharienne, est au volant du GBC 8 M 6x6 frigo blanc.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
En avril 1959, Emile Parfait, président directeur général de Berliet, et Paul Berliet, administrateur et directeur général de la société lancent l’étude d’une mission automobile afin de trouver de nouveaux itinéraires routiers accessibles aux véhicules appropriés de la marque, ceci pour désenclaver la partie centrale de l’Afrique. Le but recherché est de relier directement Alger à Fort Lamy, au Tchad, en passant par le désert du Ténéré du Tafassasset.
Il faut plus de six mois de contacts continus pour obtenir les appuis officiels de près de 20 organismes. Pendant ce temps, on travaille ferme à la préparation des véhicules.
La mission comprend 65 hommes, dont :
– l’équipe Berliet ;
– l’équipe scientifique ;
– l’équipe Gyrafrique avec hélicoptère Bell ;
– l’équipe Mercure avec son avion Cessna ;
– l’équipe presse ;
– l’équipe Compagnie lyonnaise du cinéma ;
– l’équipe du Froid Isofrigo.
Le parc des véhicules se compose de neuf Gazelle GBC 8 M 6x6 à moteur Magic et monte simple, et de cinq Land Rover.
Chacune des Gazelle reçoit une couleur distincte selon la nature de son chargement. Voici le détail de « l’arc-en-ciel du désert » :
– violet : paille et emballages vides pour ramener les trouvailles archéologiques, géologiques, etc.
– jaune Sahara : matériel cinématographique.
– gris : matériel de campement et appareils scientifiques.
– jaune clair : citernes (abritées par une bâche).
– orange : gas-oil.
– bleu : essence pour les véhicules légers et l’hélicoptère.
– rouge : camion atelier.
– vert : magasin d’outillage.
– blanc : fourgon frigorifique.
Sur le plan humain, l’équipe Berliet comprend le général Laurent, chef de mission chargé de la responsabilité générale de cette dernière, Maurice Berliet, chef de mission en charge des véhicules, du personnel et de l’approvisionnement, le capitaine Allégret, adjoint de Maurice Berliet, M. Legal, adjoint administratif de Maurice Berliet, M. Montangerand, cinéaste, les inspecteurs techniques Gaillard, MolI, Roguiez et Salmeron, les conducteurs-mécaniciens Canton, Chilliat Conti, Kaiser, Lapierre, Paoletti, Picot Romanet et Santacruz, ainsi que dix graisseurs nord-africains.
En dehors de l’équipe Berliet il faut cependant citer le chef d’escadron Armand du SGA (Service géographique de l’Algérie) qui, par sa connaissance approfondie de la région, sera le véritable guide de l’expédition. Il assurera sans aucune erreur le voyage aller et retour sans avoir recours aux services d’un seul indigène.
Un certain nombre de scientifiques éminents rejoignent la mission par avion à Djanet. Beaucoup d’entre eux connaissent déjà l’oasis et le Sahara. Ces derniers sont M. Cornet hydrogéologue de la mission, qui a « goûté et classé toutes les eaux du Sahara », M. Heu, zoologiste, M. Hugot préhistorien délégué par le musée du Bardo et chercheur au CNRS, Henri Lhote, « l’homme des fresques du Tassili et le vétéran des sahariens de la mission », M. Mauny, de l’Institut de l’Afrique noire à Dakar, spécialiste de la protohistoire et du moyen- âge sahariens, M. Naeglé, botaniste de l’IFAN de Dakar, M. Petit, ethnologue et le docteur Vergnes, grand médecin de laboratoire, désigné par Prohuza, organisme s’occupant des problèmes humains dans les zones arides. S’ajoutent à ces derniers M. Brouty, peintre, MM. Favier et Mascarelli, de l’OCRS, MM. Sommet Devillard, Quinet et Rongier de la Compagnie lyonnaise de films, Roger Frison-Roche, écrivain, qui signera un livre passionné et passionnant sur l’expédition, M. Vidal de la Blache, journaliste, et MM. Vals et Menant de Paris Match.
Partant de Ouargla le 8 novembre 1959, la mission ne sera de retour que le 7 janvier 1960 après avoir parcouru 10 000 km en 50 jours. Le parcours de chaque étape fait l’objet d’une reconnaissance aérienne par hélicoptère, de façon à ne rien laisser au hasard.
Les 1 000 km séparant Ouargla de Djanet sont effectués sans difficultés, mais il n’en est plus de même de Djanet à Fort-Lamy situé 2000 km plus loin sur les bords du fleuve Chari en territoire camerounais.
On commence à retrouver le fech-fech et le poto-poto bien connus des anciens de la mission Sahara – Niger de 1926 et il faut surtout traverser la région désertique du Ténéré.
17 novembre
Partie de Djanet à 11 heures du matin, « la mission campe le soir même à 122 km au sud, en plein erg d’Admer ».
18 novembre
La caravane parcourt 54 km d’erg jusqu’à ln Afaleleh. Quelques traces de végétation. Découvertes sensationnelles de pebble tools, des « galets outils » attestant d’une présence humaine au Sahara dans les temps les plus reculés.
23 novembre
Campement au pied de l’Adra Bous, un petit massif montagneux. Le lendemain, l’Adrar Madet est atteint au terme d’une étape de 229 km.
26 novembre
La mission entre dans une partie connue du Ténéré et arrive en vue du légendaire Arbre du Ténéré, seul au milieu du désert, avec des racines allant puiser l’eau à plus de 30 mètres de profondeur. Progression plus facile. Le sable mou n’arrête pas les Gazelle.
3 décembre
Agadès est atteint, après un parcours sur une piste pierreuse et peu roulante.
6 décembre
Après avoir dépassé le massif du Termit, « le fameux erg du Ténéré est vaincu ».
7 décembre
Termit sud. C’est la fin du Sahara et les débuts de l’Afrique noire. La mission fait connaissance avec le cram-cram, petits piquants qui pénètrent partout, et chaque membre de la mission de se gratter avec délice. Les voyageurs découvrent la faune de la savane.
9 décembre
Le lac Tchad est atteint à N’Guigmi. Puis la mission contourne le lac par le nord pour arriver avec la joie que l’on devine le 12 décembre 1959 à Fort Lamy, où elle est accueillie et vivement félicitée par Paul Berliet arrivé par avion.
Elle y prendra un repos bien mérité jusqu’au 20 décembre. Des contrats importants sont signés entre les responsables de la mission et les représentants tchadiens. La route est maintenant connue, mais elle est malheureusement nettement impraticable pour les véhicules traditionnels entre l’Arbre du Ténéré et Terrnit.
Le voyage de retour devra donc s’effectuer en cherchant une voie de moindre difficulté en contournant toujours par l’est le lac Tchad pour atteindre Bilma situé à 1 000 km en passant par Koussa-Anna, Ehi-Mounto et Zoo-Baba.
Le 20 décembre 1959, la mission prend donc le chemin du retour en espérant trouver un itinéraire plus praticable.
Le 24 décembre au soir, en plein désert, la mission rencontre un groupe de tirailleurs méharistes noirs placés sous le commandement d’un adjudant. Copieusement ravitaillés par Maurice Berliet, ils fêtent Noël comme cela ne leur était certainement jamais arrivé !
Le réveillon du 31 décembre est fêté à Bilma et l’on reprend aussitôt la piste. En passant par Djano, la mission arrive à Djanet le 7 janvier.
Sur les plans logistique et mécanique, le succès est considérable. Les Gazelle Berliet ont étonné les participants par leurs qualités de franchissement et de fiabilité. L’une d’elles réalise même l’exploit de ne pas s’être ensablée une seule fois durant tout le périple !
Les savants accompagnant la mission ont fait des découvertes zoologiques, archéologiques et malacologiques (afférentes à l’étude des mollusques) sensationnelles et rapportent une véritable collection d’une valeur scientifique inestimable impossible à décrire ici.
La mission Ténéré connaît un retentissement considérable dans la presse de l’époque. Il faut saluer l’extraordinaire performance des organisateurs puisque la mission ne connaîtra pas un seul incident sérieux. On l’imagine, un tel événement aurait été catastrophique pour Berliet et aurait été relayé par les médias de la même façon que le fut le succès de l’expédition. Le sans-faute était indispensable et ce fut un sans-faute…
(D’après un bulletin de l'Amicale des concessionnaires Berliet)
Les véhicules font halte pour la nuit à Ouargla, dans un parc pétrolier gardé, alors qu’ils descendent vers Djanet, qui représente le véritable départ de la mission, et où les véhicules doivent être rejoints par leurs passagers, en majorité d’éminents scientifiques. Figurent ici les GBC emportant le matériel de campement et le fourgon frigorifique.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Cette fois, le départ est réellement effectif. Partis de Djanet, les véhicules de l’expédition ne tardent pas à faire connaissance avec le sable. Ce n’est pas encore le Ténéré mais, déjà, les difficultés commencent. La colonne franchit un passage difficile en prenant son élan, tandis que les graisseurs veillent au grain, prêts à intervenir avec les plaques PSP.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
À Bilma, à environ 500 km au nord-est d’Agadès, au Niger, la colonne doit affronter des dunes de sable de hauteur conséquente. Les GBC s’en sortent plutôt bien, mais il faut parfois avoir recours à des plaques PSP tant le sable est fin et fuit sous les roues. À la descente sur l’autre versant, après le passage de la crête, les roues s’enfoncent beaucoup plus dans le sable sous la poussée du véhicule. Ceci ne l’empêche généralement pas d’arriver au bas de la dune.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Les pneumatiques des Gazelle de l’expédition sont des 1100 x 20 à profil peu accrocheur. L’expérience a montré en effet que ce genre de pneu permet d’obtenir les meilleurs résultats dans le sable et notamment lors de l’ascension des dunes. Doucement mais sûrement, tous les 6x6 surmontent la difficulté. Il n’en est pas toujours de même pour les Land Rover qui doivent régulièrement être assistées.
Avant le rallye Paris – Dakar, l’hélicoptère, de Gyrafrique permet de survoler la colonne et de réaliser des clichés des véhicules en roulant. Ici, c’est la Gazelle rouge, le camion atelier de l’expédition.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Chaque matin, le réveil a lieu vers 4 h. Après un petit déjeuner rapide, les moteurs sont mis à chauffer, puis l’on met le convoi en ligne. Le départ est ensuite donné. Le premier arrêt intervient vers 9 h 30/10 h, pour un casse-croûte copieux. Il est vrai qu’ensuite, sauf imprévu, on ne s’arrêtera guère de nouveau avant 18 h. Alors, camions et Land Rover se rangent comme ils le peuvent et les Gazelle orange et bleue effectuent le tour des véhicules, hélicoptère compris, pour les ravitailler en carburant. Les mécaniciens effectuent dans le même temps les vérifications mécaniques indispensables et, éventuellement, les petites réparations. Ces deux clichés révèlent deux campements différents dans les paysages grandioses de la région du Ténéré, celui ci-dessus étant pris lors de la formation du convoi du matin, peu avant le départ.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Ce camion, la Gazelle violette, est certainement le plus important de la mission (du moins au final), car c’est dans sa caisse que seront rapportés tous les objets, minéraux, échantillons, ossements, fossiles et autres animaux découverts au cours du voyage par les scientifiques. Pour véhiculer jusqu’à bon port sa précieuse cargaison, le véhicule est chargé dès avant le départ d’emballages vides, de paille et de papier pour le calage des différents articles.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Comment ne pas rêver en regardant un tel cliché ? Par exemple en imaginant la chaleur qui règne dans cet endroit, et qui, à l’ombre, atteint sans difficulté les 50°. Dans les cabines, chaque étape est éprouvante. La Gazelle orange qui apparaît au premier plan transporte le gas-oil nécessaire au ravitaillement des camions.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Les GBC sont alignés comme à la parade lors d’une halte du soir près d’un bordj situé au Tchad. Les soldats visibles ici, qui semblent intéressés par les véhicules, appartiennent tous aux troupes sahariennes françaises.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Ambiance typique des confins nord de l’Afrique noire, et du Tchad en particulier. Les véhicules sont garés dans un petit village à proximité d’un magnifique break Renault Domaine.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Partis d’Alger, les véhicules de la mission Tchad ont rejoint la base Berliet de Ouargla où ils bénéficient d’un dernier contrôle technique avant de s’élancer vers le sud. Au premier plan figurent cinq des neuf Gazelle de la mission Ténéré qui « rempilent » pour un nouveau voyage.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Les véhicules apparaissent ici au même endroit, mais sous un autre angle. Cette fois, on découvre les quatre nouveaux véhicules, des GLM 10 M hors code.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Les jeunes républiques de Centre Afrique sont pénalisées par des délais et des frais de transport qui doublent ou triplent le prix des marchandises. C’est dire l’intérêt d’une liaison directe Afrique du Nord – Afrique centrale accessible aux camions routiers.
L’an passé, la Mission Berliet Ténéré, à la recherche de cet itinéraire idéal a prouvé que cet axe nord-sud traversant le désert était accessible aux camions tous-terrains Gazelle. Du 10 au 21 avril 1960, une liaison Fort-Lamy – Largeau a été réalisée avec un GLC 4x4, un GBC 8 4x4, et surtout deux véhicules 4x2, un GLR 8 M à pneus 1200 x 20 X et un GLM 10 M à pneus 1400 x 20 X, dont la mise à l’épreuve constituait le véritable objet de l’expédition. Cette dernière met trois jours pour effectuer cette liaison de 1 060 km quand les MAN 4x4 des transporteurs tchadiens en mettent cinq à sept.
Le 23 octobre 1960, une nouvelle mission conduite par Maurice Berliet prend le départ de Ouargla pour rallier le Tchad par un nouvel itinéraire inédit. Il s’agit cette fois de faire passer, outre les fameuses Gazelle tous terrains à trois ponts, des camions lourds ordinaires à un seul pont, mais munis de pneus sable dernier modèle. Ces quatre camions sont des Berliet GLM 10 M HC fabriqués à Rouiba par Berliet Algérie qui emportent onze tonnes de charge utile. La mission se propose d’utiliser un itinéraire évitant par le nord les fameux ergs de Bilma et du Ténéré. Le navigateur est le commandant Armand, utilisant son procédé de lecture des photos aériennes pour déceler les passages les meilleurs. Un hélicoptère piloté par M. Voirin de Gyrafrique doit éclairer la marche de la mission. MM Legal, Deviq, Frison-Roche, Hugot et le docteur Cohen complètent l’effectif de la mission, dont le personnel technique est guidé par MM. Salmeron et Roguiez. Toute l’équipe, à l’exception de quelques jeunes, est fortement préparée, ayant déjà pris part aux reconnaissances précédentes dans le Ténéré.
Djanet est rallié le 28 octobre et dès le 29 octobre, le convoi s’élance dans le désert absolu du Ténéré, suivant l’itinéraire reconnu en janvier, logeant les Monts Gautier découverts par la précédente mission. En deux jours, il parvient à Séguedine, au sud de Djado, ayant amélioré l’itinéraire précédent et découvert une passe facile évitant Djado et Chirfa et certaines parties rocheuses. Jusqu’à Fort Lamy, le convoi poursuit sa route avec le même succès, en trouvant de nouveaux passages accessibles à des véhicules « normaux ».
Durant la mission, les poids lourds se comportent à merveille et effectuent les 4 840 km sans rencontrer de difficulté. Comme l’écrit Maurice Berliet, « il s’avère donc que cet itinéraire peut résoudre la question de la jonction de l’Algérie au Tchad, impossible par les ergs du Ténéré, et qui obligeait les véhicules à réaliser un détour de plus de 700 km par le Nigeria. Sur ce parcours, les lourds GLM ont consommé 49 litres de mazout aux 100 km, transporté, chacun 11 tonnes et, de l’avis de l’expert saharien, M. Deviq, il est fort possible de faire rouler sans danger sur cette piste, une fois le balisage, accompli, des convois de poids lourds plus importants, notamment des camions de 25 tonnes de charge utile, rendant ainsi l’opération absolument économique.
Les GLM sont des véhicules hors code en largeur puisque chaussés de pneus de 1400 x 20 Michelin du dernier modèle (« pattes de chameau »). Animés par un moteur six cylindres Magic MDZ 23 M de 180 chevaux SAE, ces véhicules ont été fabriqués dans les usines de Berliet Algérie à Rouiba.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Moins spectaculaire que les grandes découvertes scientifiques des précédentes missions, ce voyage de liaison économique entre la France, l’Algérie et le Tchad se révèle de toute première importance politique, stratégique et commerciale. Il importe en effet que les républiques indépendantes du Tchad ou de Centre Afrique puissent être reliées par voie de terre avec l’Algérie : des échanges de produits peuvent être faits utilement : denrées fraîches vers le sud, viande congelée du Tchad au retour.
L’accueil fait par le président de la république du Tchad et les membres du gouvernement tchadien aux membres de la mission prouve suffisamment le profond intérêt suscité par ce voyage, qui ouvre une nouvelle voie aux échanges humains à travers l’Afrique.
La mission repart le 17 novembre de Fort Lamy pour son voyage de retour. Il sera cette fois uniquement question d’exploration scientifique et de balisage, et le convoi ne comportera que la « cellule d’exploration Berliet » : sept Gazelle tout-terrain, un hélicoptère et trois voitures légères de reconnaissance. Les savants Mauny et Keysel complètent l’équipe scientifique qui se propose notamment d’étudier de nombreux sites préhistoriques, de reconnaître le « Trou au Natron », et enfin de traverser par un itinéraire inédit le Ténéré d’est en ouest de Séguedine au Djebel Greboun, dans le nord-est de l’Aïr. Ceci constituera le moment fort de la mission au triple point de vue géographique, botanique et surtout préhistorique. Enfin, après une halte dans les Monts Gautier, la mission compte rallier Djanet le 7 décembre prochain ».
Le convoi a pris la route vers le sud. Pour des raisons de sécurité liées à la guerre civile qui règne au nord, des armes ont été confiées aux membres de la mission, mais ces dernières seront laissées à Djanet. Pour l’heure, la colonne est escortée par une Jeep de la circulation routière.
(Cliché Fondation de l’automobile Manus Berliet)
Au milieu des paysages contrastés Tassili, les véhicules de la mission, auxquels un Dodge WC 51 de l’armée ouvre la route, viennent de stopper en un groupe compact pour une brève halte. Le pilote de l’hélicoptère, qui a posé son appareil à proximité, vient communiquer les informations qu’il a recueillies en survolant la zone située plus en avant. À l’aide de ces dernières et de photos aériennes, le commandant Armand déterminera le chemin le plus sûr et le plus facile.
Arrêtés à proximité d’une balise laissée par la mission Ténéré un an auparavant, Maurice Berliet devise avec le commandant Armand.
Chaussé de pneus 1400 x 20, le GLM 10 M HC bénéficie d’une bonne portance et la faible pression de ses pneus au sol lui permet d’éviter l’ensablement sur pistes sablonneuses, même sans grande consistance.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
La fameuse Gazelle rouge, le camion atelier de la mission Ténéré, a repris du service. Survolé par l’hélicoptère de Gyrafrique, le véhicule circule à pleine vitesse (64 km/h) dans les sables du sud saharien.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Le léger vent qui souffle dans le désert soulève, au passage des véhicules, un nuage de sable souvent visible de fort loin. Un GLM précède ici un GBC et une Land Rover.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Pas de chance pour ce GLM. Même si la pression au sol de ses pneus reste modeste, l’engin, qui compte deux essieux seulement, ne bénéficie pas de la même répartition des charges que le GBC et il plonge souvent de l’avant dans le sable mou. Les quatre GLM 10 M HC de l’expédition portent des immatriculations provisoires permettant leur exportation temporaire.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)
À l’instar des GBO hors code, les GLM de la mission arborent des ailes élargies avec une frange de tôle entre l’extrémité du pare-chocs et la partie extérieure de l’aile. Échancrée, cette dernière est d’ailleurs du même modèle que celle des GBO/TBO.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
La mission croise sur sa route nombre de véhicules assurant des liaisons moins ambitieuses. C’est le cas à Fort Largeau de ce MAN 6.45 L1A 4x4 de 1954 appartenant à la Tchadienne.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Incident technique sur le pont de la Gazelle atelier. Les mécaniciens sont à l’œuvre pour minimiser la durée de l’immobilisation.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
De nouveau, voici la végétation subtropicale, après le total dénuement du désert. Arbres et arbustes sont encore très secs, mais leur présence annonce une végétation plus luxuriante pour bientôt, à mesure que l’on s’approchera du but.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Deux GLM pointent en tète du cortège. La piste est alors bonne et roulante.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Ambiance extraordinaire qui sent bon la fin de raid. Le but est proche lorsque les véhicules de la mission Tchad empruntent cette piste bien damée tracée au milieu des palmiers. Les GBC de l’expédition auront, pour la seconde fois, assuré un service sans faille, prouvant encore une fois, si besoin était, leur fiabilité proverbiale.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Le sable n’est pas le seul ennemi du parcours. Au final, la boue peut elle aussi réserver quelques surprises. Ce GBC en fait l’expérience à ses dépens. Arrivé à une certaine allure dans une fondrière, il a littéralement posé son avant sur le sol. Seule solution : le tirer par l’arrière à l’aide d’un autre GBC, tandis que l’on déblaye au mieux autour des roues arrière.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Traversée d’un cours d’eau de faible importance sur le territoire tchadien, suivie du gravissement d’une colline, une promenade cette fois pour le GBC malchanceux.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Arrivée de la mission à Fort-Lamy, dans le style « cc 100 000 dollars au soleil ".
Ce sont les GBC qui ouvrent la route.
C’est le final. Les quatre GLM 10 M HC sont évidemment mis en exergue car ce sont ces véhicules, de simples 4x2, qui ont le plus de mérite. Chacun a réussi à rallier Fort-Lamy avec 11 tonnes de charge utile !
L’entrée dans l’enceinte de l’aéroport, avec son arche typique, marque la fin du périple.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Source :
Avec l’aimable autorisation de
Jean-François COLOMBET – Rédacteur en chef
et de la Société HISTOIRE & COLLECTIONS
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