Les missions BERLIET au Sahara

le GBO 15

Les légendes et articles sont de Jean François COLOMBET
Rédacteur en chef de « Charge Utile Magazine »

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ALGER - HASSI MESSAOUD
ESSAIS DU GBO 15 R 6x4
Avril 1956

Le tout premier GBO produit est un modèle GBO 15 R 6x4. Malgré l’absence des lettres HC à la fin de sa désignation, le véhicule est bien hors code puisque, à l’inverse des modèles Métropole ou « route » montés en 1200 x 24, il est chaussé de pneumatiques Michelin G 20 profil sable. Sur ce mauvais cliché bien connu, le véhicule vient de recevoir sa citerne Hanssens de 24 000 litres. Il effectue son premier voyage vers Hassi-Messaoud, où il doit livrer 20 000 litres de gas-oil. La liaison se révélera sans histoires, excepté quelques soucis de ressorts arrière.
C’est aussi la perspective de la croissance de l’activité pétrolière au Sahara qui motive chez Berliet l’étude d’un gros porteur 6x4 susceptible de répondre à la plupart des besoins locaux en transports lourds. Comme on ne peut partir à Vénissieux d’aucune base existante, les bureaux d’études étudient ex nihilo un nouveau châssis, une nouvelle boîte de vitesses (la FBO) et de nouveaux ponts (les FPOM et FPOR). L’essieu avant (le FHFO) et le moteur (MDO) sont repris sur le TLM 15, qui existe déjà depuis deux ans. Le résultat de ces efforts est baptisé d’un nom qui deviendra célèbre : GBO. Du fait de sa destination première, sa véritable raison d’être à l’époque, le premier exemplaire est expédié en Algérie, afin de subir aussitôt des tests en conditions réelles et permettre ainsi de parfaire au plus vite sa mise au point définitive.
Le 19 avril 1956, le châssis n° l est débarqué à Alger et aussitôt préparé. Le 23, il est conduit chez les établissements Hanssens, chez lesquels il reçoit une citerne de 24 000 litres. Dès le 27 avril, voilà le véhicule carrossé sur la route. Il réalise la liaison Alger – Tilrempt, soit 530 km. Premier chargement à Djelfa : 20 000 litres de gas-oil et 4 000 litres d’essence. Le lendemain, le GBO se rend à Ouargla (300 km), où il livre son essence puis, le surlendemain, à Hassi Messaoud (350 km), où il décharge les 20 000 litres de gas-oil.
Comme l’écrit M. Roguiez dans son rapport, « la piste de Fort Lallemand est devenue particulièrement difficile à certains endroits par les derniers vents de sable. À cette occasion, nous avons pu remarquer que le GBO a des possibilités étonnantes de franchissement dans le sable ». Les seuls incidents signalés concernent les étoquiaux de ressorts arrière, qui se cisaillent provoquant un glissement des lames, le moteur qui chauffe, du fait semble-t-il d’un problème de ventilateur, l’alimentation en gas-oil parfois sujette à des prises d’air au niveau du robinet trois voies commandant l’alimentation en provenance de l’un ou l’autre des réservoirs de carburant, et les roues avant qui touchent à l’aile. Le véhicule est en effet chaussé de pneumatiques de 1400 x 20, alors que les ailes sont les mêmes que celles prévues pour les modèles métropole chaussés en 1200 x 24.
Pour augmenter encore la portance et en conséquence les possibilités de franchissement, ces pneus seront ensuite changés contre des H 20 (1600 x 20) encore plus gros, qui nécessiteront la découpe des ailes et la modification des marchepieds, solution qui sera ensuite adoptée de série sur tous les GBO et TBO HG, c’est-à-dire hors code en largeur.
Sur le GBO de l’essai, la boîte de vitesses, les ponts arrière et les bielles de réaction ne donnent lieu à aucun commentaire particulier, leur comportement étant excellent. La direction est jugée « très douce », et elle « n’échappe pas dans les mauvais passages ».
Quant à la suspension du châssis, elle est, comme l’écrit notre homme « d’une souplesse extraordinaire », bien que les ressorts arrière se révèlent « par trop faibles ».

 

UNE LIAISON TOUGGOURT – FORT FLATTERS



Pour son deuxième essai, cette fois à destination de Fort Flatters, le GBO 15 R 6x4 n°1 affiche un aspect très similaire à ces véhicules de la CSA qui seront livrés dans la foulée. Il a en effet troqué les pneus G 20 (1400 x 20) avec lesquels il a été livré contre des H 20 (1600 x 20), plus performants dans les segments à faible portance. Il s’agit en effet de répartir au maximum la pression au sol des dix pneus du véhicule, compte tenu du poids total appréciable de ce dernier. Indéniablement, le GBO 15 6x4 constitue une avancée remarquable en matière de transports sahariens.
Ce premier test en conditions réelles ayant révélé, comme on s’y attendait, les principales faiblesses du nouveau châssis, une seconde liaison est tentée dès le mois de mai, cette fois en présence de Maurice Berliet et de M. Meuguet, et en compagnie d’un GLC 8 b 4x4. Il s’agit cette fois d’effectuer le parcours Touggourt – Fort Flatters en charge et retour à vide par le même chemin. Cette piste est rendue difficile par les nombreux bancs de fech-fech et de sable qu’elle recèle. Trois ans auparavant, « y passer avec un GLR avec une citerne de 8 000 litres était considéré comme une performance ».
Cette fois, c’est avec un véhicule transportant trois fois la même quantité que l’on s’apprête à relever le défi.
Pour ce faire, le GBO 15 R 6x4 a été chaussé de pneumatiques Michelin H 20 P plus gros. Le chargement est cette fois de 20 000 litres d’essence. Le poids total atteint 33 tonnes. Les pressions des pneus à froid, mesurées avant le départ sont de 4,5 kg à l’avant et de 4 kg à l’arrière.
M. Meuguet inspecteur technique de la succursale d’Alger, écrit : Lors des essais précédents, « nous avions immédiatement dépanné le client par deux lames maîtresses (…) de 13 mm d’épaisseur et 125 mm de largeur, meulées seulement au passage des étriers et des glissières avant et arrière, de façon à ce que, en cas de rupture, la lame maîtresse reste en place.
À notre arrivée, et celle du GLC 8 4x4 à Touggourt, apportant les ressorts et lames de réserve, ainsi que le ventilateur spécial et sa buse, nous trouvons le GBO 15 prêt à partir pour Fort Flatters. Nous désirions, en ce qui nous concerne, renforcer les ressorts arrière et monter le nouveau ventilateur. M. Deviq, très pressé dans ses livraisons de gas-oil à Flatters, décide de faire un premier parcours sans modification. Il a, avant de remplacer les ressorts avec les lames maîtresses de 125 mm de largeur, confectionné une cale bombée pour rattraper à vide le jeu au centre déjà signalé. À vide, les ressorts sont ainsi parfaitement bloqués sur toute la longueur de leur appui central.
Mercredi 9 mai, nous partons sur Flatters avec le GBO 15 et le GLC 8 4x4 chargé à 5,5 tonnes. À 260 km (sonde Repal de Hassi Messaoud), nous constatons la rupture des deux étoquiaux (comme la fois précédente), mais grâce à la largeur de 125 mm des lames maîtresses, celles-ci restent en place. 100 km plus loin, nous constatons un léger glissement de la lame sous-maîtresse droite. Nous arrivons le lendemain à Fort Flatters, soit à 760 km de Touggourt, donc à une très bonne moyenne, en constatant les qualités remarquables de franchissement des zones sablonneuses (et certaines très difficiles) du GBO 15. Après déchargement, nous repartons à vide de Flatters le 11 mai à 6 h. À 40 km du départ, la lame sous-maîtresse droite qui avait été refoulée en place a glissé de 30 cm en arrière
». Après une réparation de fortune, « nous repartons. Roulant sans arrêts, nous arrivons à Touggourt le soir même à 23 h, ce qui constitue une vitesse moyenne remarquable pour des poids lourds (760 km en 17 h, compte tenu d’une heure et demi d’arrêts au total) et, plus particulièrement sur piste sablonneuse, par endroits très difficile. Indiscutablement, le GBO 15 sur pneus H 20 s’avère un véhicule saharien très supérieur au tracteur semi-remorque qui, soit sur tôle ondulée, soit sur sable, accuse de grosses difficultés de franchissement et de maintien de vitesse élevée ».
Après Fort Lallemand, il n’a pas été nécessaire, comme le font tous les transporteurs du sud (M. Deviq y compris), de dégonfler les pneus pour les mauvais passages et un seul ensablement a été à déplorer. « La tôle ondulée et la caillasse sont parfaitement absorbées par le GBO, plus confortable que la Land Rover de M. Deviq. Le passage du GBO sur la piste Touggourt – Fort Flatters est considéré par la SATT, la Sata et Mory comme une performance remarquable qu’ils n’ont jamais réussie sans casse avec des tonnages plus faibles. Pour atteindre Fort Flatters, ces transporteurs passent par Fort Meribel, soit 300 km de plus ».
M. Meuguet reprend : « Un nouvel essai, sur même parcours, sera fait cette semaine (départ probable demain 16 mai) du GBO 15 avec M. Maurice Berliet après montage du ressort renforcé et du nouveau ventilateur. Il est évident que si le nouveau ressort peut parfaitement être bloqué en charge, et se maintient parfaitement bloqué, l’étoquiau ne travaille pas en cisaillement. (...) Enfin, un point est gênant. C’est l’impossibilité de remplacer une lame cassée sur la piste, car il faudrait caler l’ensemble du châssis. Les ressorts avant sont également à renforcer. La barre de direction vient en effet, lors des cahots de la piste, talonner sur la boîte de l’amortisseur. Rien à signaler en ce qui concerne les bielles de retenue (les nouvelles n’ont pu être montées à temps pour le premier essai, faute de temps).
En ce qui concerne l’échauffement de l’eau de refroidissement, il faut noter que celui-ci est, en partie, provoqué par le maintien du moteur à un régime insuffisant par le chauffeur qui, dans les passages difficiles, n’ose pas changer de vitesse de peur de s’ensabler. Par ailleurs, tout le parcours a été fait par vent arrière d’une vitesse supérieure à celle du véhicule lui-même. L’arrêt, face au vent, nécessité plusieurs fois en charge entre 11 h et 15 h, fait rapidement redescendre la température à 85°. Le montage du nouveau ventilateur doit, normalement, pallier cet inconvénient dont est tributaire la majeure partie des camions au Sahara en cette saison
».

ALGER - EDJELEH
ESSAIS DU GBO 15 6X6
Juin 1957



Les tout premiers essais du nouveau GBO 15 6x6 en terre algérienne sont menés en juin 1957, dans le cadre d’une mission organisée par Maurice Berliet. Comme on le découvre sur ce cliché, le convoi qui fait route sur Edjeleh est composé du GBO 6x6 attelé à une semi-remorque plateau, de deux TBO 15 6x4 HC dotés du nouveau moteur turbo et, partant, du capot large dissimulant un radiateur à capacité augmentée, et d’un GLC 8 b 6x6, que l’on aperçoit ici à l’extrême droite.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Alors que, comme on l’a vu plus haut le premier GBO 6x4 fabriqué fait ses premiers tours de roues au Sahara dès la fin de l’année 1956, l’année suivante voit les premières livraisons de GBO 15 R 6x4, principalement à la Compagnie saharienne automobile, puis de GBO 15 6x4 HC à des clients très variés. L’armée française viendra bientôt grossir leurs rangs en équipant ses unités de transport sahariennes de plusieurs centaines de véhicules de ce type.
Le GBO 6x4 imposé sur les pistes du sud algérien, on réfléchit chez Berliet à un véhicule de même tonnage mais de mobilité supérieure, susceptible de répondre aux exigences plus sévères de la recherche pétrolière, souvent amenée à s’éloigner des pistes, en coupant à travers les étendues de sable des grands ergs, pour se rapprocher au maximum des sites idéals de pour le carotage ou le forage. Malgré son excellente répartition des charges, le GBO 6x4 avoue pour cela ses limites et la silhouette 6x6 apparaît incontournable. Les bureaux d’études de Vénissieux mettent donc à profit les enseignements tirés des essais du T 6 en tracteur de semi-remorque pour réaliser un 6x6 à capot constituant en quelque sorte une synthèse des GBO 6x4 et T 6.
Le nouveau véhicule, qui prend logiquement l’appellation de GBO 15 6x6, est envoyé dans les sables sahariens dès juin 1957. Débarqué dans le port Alger, il part pour Edjeleh dans le cadre d’un convoi comprenant également un TBO 15 6x4 HC turbo et un GLC 8 b 6x6. Il s’agit d’abord de terminer la mise au point du moteur 15 litres turbocompressé qui équipe le véhicule ainsi que, sur option, les GBO et TBO 6x4.
Cependant c’est à l’automne que le véhicule, remonté sur Alger entre-temps, va réellement être testé en conditions difficiles. Il reprend la route du sud le 24 novembre. Le convoi est composé du GBO 15 6x6 attelé à une semi-remorque citerne Coder de 40 000 litres, d’un GLC 8 b 6x6 (le prototype de la Gazelle) et d’une Land Rover. Le même jour, les véhicules arrivent à Djelfa, n’ayant rencontré « que des difficultés provoquées par la largeur du tracteur qui, sur certains ponts, ne laissait que quelques centimètres de passage ».
25 novembre
L’ensemble effectue la liaison Djelfa – Ghardaïa sans incident.
26 novembre
Ghardaïa – Touggourt. En arrivant à Ouargla, le GLC 6x6 casse, en passant dans un trou, une ferrure arrière de fixation d’une bielle de réaction. Réparation sur place. Sur le GBO 15 6x6, un seul incident, la liaison entre le tube de direction et la tôle du pupitre cassée. La consommation du GBO 6x6 à vide depuis Alger, soit 1 000 km, a été de 60 litres aux cent.
Du 21 au 29 novembre
Premiers essais dans les dunes autour de Touggourt effectués par le GBO en solo, en pneus simples à l’arrière. Le véhicule, qui est chargé de 7,5 tonnes de baryte, affiche un PTC de 32,1 tonnes. Plusieurs passages sont effectués. Le sable étant très humide par suite des pluies récentes, les performances sont légèrement faussées, le véhicule ayant une meilleure adhérence.
Du 29 novembre au 1er décembre
Les mêmes passages sont effectués en pneus jumelés avec la même charge et aux mêmes pressions. Les résultats sont légèrement supérieurs, mais les meilleurs passages sont effectués avec la pression des pneus abaissée (2,5 kg à l’avant, 1.6 kg à l’arrière). Assistent à ces essais René et Marcel Deviq, ainsi que des représentants de Coder, du Creps, de la CPA, de Repal et de Michelin.
1er décembre
Le GBO et sa semi-remorque chargés rejoignent Ouargla pour les formalités de douane. 160 km de route goudronnée. Le chargement est composé de 15 000 litres de gas-oil et de 24 000 litres d’essence. Le PTR atteint 70 tonnes, répartis en 42,5 tonnes sur les essieux du tracteur et 27,5 tonnes sur ceux de la semi-remorque.
2 décembre
La piste en direction de Fort Flatters est prise à 7 h. Température ambiante 10°. Le véhicule se comporte très bien. La piste n’est pas très difficile, de grandes parties étant goudronnées. Hassi Messaoud est atteint à midi. Un seul incident : cassure du premier boulon avant droit d’attache du plateau au châssis. Vers 16 h, Fort Lallemand est dépassé. Halte à Hassi Touareg à 18 h 30, soit une distance de 260 km à la moyenne de 23 km/h. La température du moteur n’a jamais excédé 80°. Température ambiante maxi : 20°. Après Fort Lallemand, la piste est dure, peu ensablée avec passages de tôle ondulée. Les frayées profondes freinent le véhicule, étant donné la très grande voie des roues arrière. L’étagement de boite est correct. Les vitesses les plus employées sont la 4ème grande et la 5ème petite.
3 décembre
Départ d’Hassi Messaoud à 5 h. Température 2°. Les mauvais passages de fech-fech de Hassi Tartrat et de la dune 200 sont franchis sans difficultés en 2ème petite, sans pont avant. Dans toute la traversée du Gassi Touil, tôle ondulée, passages de sable; les vitesses les plus utilisées sont la 3ème grande et la 4ème petite. Les 80 derniers kilomètres de Bel Gebouir à Fort Flatters sont les plus difficiles, étant donnée la tôle ondulée très haute et très espacée. Les deux parallélogrammes des roues de secours sont cassés. La descente sur Flatters s’effectue très lentement, la longueur de la semi et la largeur ne laissant par endroits, que quelques centimètres entre la falaise et le parapet. Arrivée à 21 h. Moyenne du parcours de Hassi Touareg à Fort Flatters (285 km) : 21.5 km/h. Consommation moyenne depuis Ouargla en charge : 140 litres aux cent.


Gros plan sur le GBO 15 6x6, chaussé seulement de pneus de 1400 x 20 à l’époque. Il troquera bientôt ces derniers contre des 1600 x 20 puis des 1800 x 25 en devenant GBO 15 P 6x6 avec un P comme « pétrolier ». La semi-remorque est un simple plateau à deux essieux. Le même véhicule participera bientôt à des essais bien plus contraignants dans la région d’Edjeleh.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
4 décembre
Départ de Fort Flatters à 10 h 45. La montée de l’Akba de Fort Flatters s’effectue au pas, la largeur de la piste étant très réduite. Dans un virage, le 2ème boulon côté avant droit de fixation du plateau au châssis se casse du fait de la déformation du longeron. Dans les courbes très serrées, des à-coups très violents se font sentir dans les ponts, dus aux différentiels ZF. La piste jusqu’à Ouanet n’étant composée que de tôle ondulée sur 235 km, la ville n’est atteinte qu’à 21 h 15. Moyenne 30 km/h. Sur la tôle ondulée, le véhicule s’est très bien comporté, mais la fixation de la cabine, trop souple, transmet des vibrations pénibles au volant.
5 décembre
Départ de Ouanet à 7 h 30. Température -3° à 6 h. Les mauvais passages de la 2ème dune de Ouanet sont franchis sans difficultés en 2ème petite, sans pont avant. La piste n’offre pas de grandes difficultés, seulement quelques passages de sable, trous et tôle ondulée. Edjeleh est atteint à 16 h 30.
6 décembre
Essais à Edjeleh, en présence de représentants du Creps, de Trapil, de Spie (entreprises de prospection et d’exploitation pétrolières), de CPA (Compagnie des pétroles en Algérie), de la Tras (transporteur), de Michelin et de Coder, et bien sûr de M. Deviq.
Le tracteur GBO 6x6 est attelé de la semi-remorque chargée de 24 000 litres d’essence, donnant un PTC sous essieux de 41,5 tonnes pour le tracteur et de 14,5 tonnes seulement pour la semi. Le parcours emprunté dans les dunes est celui effectué par un Willème W 8 SAT un mois auparavant.
Tous les passages avec pente allant jusqu’à 20 % sont franchis sans problème avec le pont avant et le relais en 1ère grande. Les passages de fech-fech et de sable mou n’offrent aucune difficulté. Les dénivellations sont très brusques et le châssis de la semi touche souvent le plateau. À 11 h 30, essais sur la dernière côte que le Willème n’a pu franchir, température ambiante 20°, pente de 10 à 18 % avec dévers de 6 à 8 %. À la 6ème tentative, le véhicule parvient à la franchir. Aux tentatives précédentes, les échecs étaient dus au dévers, le véhicule glissant sur le côté.
L’après-midi, le véhicule se rend à El.Mislane. Les passages au travers des dunes et la traversée d’une cuvette de fech-fech se passent normalement. La montée d’El Mislane, pente de 10 %, sable mou et fech-fech, est franchie sans difficulté au 1er essai, avec pont avant et relais, en 1ère grande. La descente est très délicate du fait du dévers, obligeant le camion à passer au travers de monticules recouverts de végétation.
Le deuxième essai a lieu sur une dune proche où aucun camion n’est jusqu’alors passé. En 1ère petite, pont avant craboté, le camion gravit la dune (pente 18 %) mais ne peut franchir le sommet à 20%, s’étant arrêté quelques mètres avant le dévers l’ayant fait glisser sur le côté. Les essais ne peuvent être poursuivis faute de gas-oil, la pente désamorçant l’aspiration. Le véhicule est alors laissé sur place, sous la garde de deux graisseurs.


C’est en novembre que les choses sérieuses commencent : le GBO 15 6x6 est alors mis à l’épreuve dans la région d’Edjeleh, tantôt en monte simples, comme ici, tantôt en monte jumelée. La semi à laquelle il est attelé est une Coder de 40 000 litres appartenant à la Compagnie saharienne automobile de M. Deviq, lequel suit attentivement les essais.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)



Le GBO 15 6x6 essayé à Edjeleh a les honneurs d’un calendrier Berliet de 1959 illustré par P. Joubert, qui recrée ici l’ambiance de la piste desservant un site pétrolier, sous l’œil des bédouins attirés par la puissance et la taille de ces nouveaux vaisseaux du désert.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
7 décembre
Les essais continuent. Après un premier essai pour repasser le sommet de la dune, le véhicule échoue de quelques mètres. Le passage de la dune d’Edjeleh est ensuite renouvelé et effectué avec autant de facilité que la veille. Incident au sommet avec la boîte de vitesses, deux vitesses se trouvant engagées en même temps. Réparation puis retour à Edjeleh de nuit. Le véhicule est alors monté en simples pour les essais du lendemain matin.
8 décembre
Les essais du tracteur en pneus simples, la semi avec la même chargé, sont conduits sur le même circuit que précédemment, près d’Edjeleh. Quelques passages de dunes avec dévers, glissement du tracteur sur le côté et nombreux ensablements. Après avoir fait le parcours des dunes, retour à Edjeleh.. Il ne peut être question d’aller à El Mislane en monte simple, car si la montée est envisageable, la descente avec semi-remorque chargée, étant donnés les accidents du terrain, pourrait entraîner de graves dommages.
Conclusion
« Ce véhicule en pneus jumelés a des possibilités de franchissement remarquables. Boite de vitesses bien étagée, moteur puissant (il s’agit de la version turbo type MDO 3 S du moteur du GBO) mais manquant encore de chevaux. Inconvénient sur les frayées profondes à cause de la trop grande voie obligeant les pneus extérieurs à travailler complètement écrasés ».


Le 4 décembre, la montée de l’Akba de Fort Flatters n’est pas une partie de plaisir, non que le véhicule peine, mais à cause de la largeur réduite de la piste. Il faut toute la dextérité du chauffeur pour franchir certains passages qui ne laissent quelques centimètres de « gras ». Les pneumatiques ont été remontés en jumelés. Il s’agit cette fois de 1600 x 20 qui affichent pratiquement le même profil que les futurs 1800 x 25 qui chausseront de série le GBO 15 P 6x6. Ces enveloppes confèrent au véhicule une portance améliorée mais augmentent encore la voie arrière, ce qui pose des problèmes lors de franchissement de ponts étroits vers le nord, et lors de la circulation dans des frayées profondes, les jumelés extérieurs étant alors extrêmement sollicités. Les parallélogrammes sur lesquels sont montées les deux roues de secours placées de part et d’autre du bâti de treuil et qui permettent de descendre ces dernières sans effort jusqu’au niveau du sol ne résistent pas à la tôle ondulée. Ils devront être renforcés. Il est vrai que l’inertie représentée par le poids des roues sur une piste en tôle ondulée a de quoi venir à bout des montages les plus solides.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)


Du 19 mai au 3 juin 1960, deux GBO 15 P 6x6 effectuent la liaison entre Tripoli, en Libye, et Largeau, au Tchad: suivant un itinéraire de 2 600 km à travers le désert, arborant pour l’occasion des plaques minéralogiques locales. Les véhicules, qui appartiennent à la maison de transports libyenne Poggi & Piacentini, sont accompagnés par deux TBO 15 M 6x4 HC. Ces ensembles emportant au total 130 tonnes de produits divers (sucre, ciment et bière) permettent d’étudier la possibilité de réduire le prix de détail des marchandises à leur arrivée au Tchad par économie sur les frais de transport. Parti le 19 à 7 h 15, le convoi attaque les premières dunes le 24 et affronte un fort vent de sable ôtant toute visibilité. Les véhicules s’égarent et il faut rebrousser chemin. La caravane arrive néanmoins à Gatroun le 25. Le 28, la passe de Korizo est franchie. Elle est représentée par deux cordons de dunes de 17 à 18 mètres de hauteur que les camions attaquent, pneus dégonflés, sans flancher, à l’émerveillement de tous. Le 29, un accueil chaleureux attend les voyageurs à Zouarke. C’est la première fois que des poids lourds, tracteurs et semi-remorques, parviennent à traverser l’Enerri Zouarke et pénètrent dans ce poste. Un record est battu, 249 km dans la journée. Le 1er juin, chaleur accablante. La température dans les cabines monte jusqu’à 77° ! Après des arrêts motivés par des défaillances humaines bien compréhensibles, l’arrivée à Largeau a lieu le 3 juin à 15 heures. La fatigue de tous est si grande que l’accueil enthousiaste reçu ne peut être apprécié à sa juste valeur. La réussite de la mission est totale : en 14 jours, les 2 600 km ont été couverts sans incidents, et l’économie réalisée par ce moyen a permis de réduire, à leur arrivée au Tchad, les prix des marchandises de 25 à 30 %, et même de 40 % pour la bière, ce qui a l’avantage de satisfaire les commerçants et bien davantage les consommateurs.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)


En février 1959, Maurice Berliet est chargé de mener à bien une campagne d’essais avec un GBO 15 P 6x6 porteur au Sahara. Équipé en plateau à ridelles et chaussé de pneus Michelin 1800 x 25 X jumelés à l’arrière, le véhicule vient d’être livré à la Compagnie saharienne automobile.
Le but de ces essais est d’effectuer la liaison Touggourt – Bir Djedid, où se trouve une mission de la Compagnie générale de géophysique, une des principales entreprises de prospection pétrolière en Algérie. L’itinéraire a été sommairement balisé par l’OTS (Office des transports au Sahara) à la demande de l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes). Ce balisage trop précaire provoquera d’importantes pertes de temps pour la recherche de la direction et des passages.
Participent donc à la mission le GBO 15 P 6x6, chargé de fûts de 200 litres de gas-oil et d’essence, de barbelés de défense et de matériel divers, le tout représentant une charge de 16 tonnes utiles, et un GBC 8 6x6 prototype équipé d’un moteur Magic cinq cylindres.
Menée par MM. Maurice Berliet, Legal et Salmeron, la mission est suivie par des représentants de Trapil, de la CGG, de l’OTS et de l’OCRS.
Le parcours Touggourt – Bir el Djedid est composé de sols roulants, sans grosses difficultés. Progression lente du fait de touffes de drim entourées de sable.
Le trajet De Bir el Djedid – Bir Djedid – Kouba Sidi Moussa chemine entre des dunes de faible hauteur, mais très enchevêtrées et composées de brides sinueuses présentant des flancs abrupts débouchant dans des cuvettes de plus de 20 mètres et d’une profondeur de 5 à 7 mètres. Les versants présentent des pentes allant jusqu’à 34%. Dans cette zone, le comportement du GBO 15 P 6x6 est excellent lors de pentes longues de pourcentage inférieur ou égal à 24%.
Par contre, un flanc abrupt d’une hauteur de 80 cm est suffisant pour stopper le véhicule, qui reste à cheval sur le pont milieu. En effet, en raison du manque de débattement du pont arrière et de l’absence de blocage de différentiel, dès que le camion, par son inclinaison vers l’avant, se trouve avec le pont arrière suspendu, toute possibilité de progression cesse : ce phénomène réduit de 75% les possibilités, par ailleurs excellentes, de ce véhicule dans l’erg. En conséquence, il faut écrêter à la main les sommets pour permettre le franchissement.


Il n’y a pas qu’au Sahara que l’on teste le GRO 15 P 6x6. Pour preuve, ce cliché peu courant pris… dans la Mer de sable d’Ermenonville (Oise). On y découvre un 6x6 pétrolier équipé en tracteur sans plateau oil field body, et attelé à une semi-remorque Coder citerne de la Compagnie des transports sahariens. Le véhicule, qui évolue devant badauds et caméra, sera exposé dans un hall spécial au salon de l’automobile, à la Porte de Versailles.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
On note également que, lors de la descente d’une pente, le vérin de direction parait insuffisant, malgré la retenue du volant par le chauffeur pour éviter le braquage des roues. Cet incident se produit quatre fois au cours de la mission. Le dégagement du véhicule est d’autant plus laborieux que le braquage des roues empêche la progression en avant et que la proximité de la pente à l’arrière rend la manœuvre difficile.
Dans le cas présent ce phénomène est encore amplifié par l’absence de butées de braquage sur ce véhicule. Les roues ne sont donc stoppées que par les longerons du châssis. Il semble que le montage d’un indicateur de position des roues s’avère indispensable sur tous les véhicules appelés à circuler dans l’erg, quel que soit leur tonnage.
Lors des essais, le véhicule pesait 44 tonnes en charge (répartis en 12 tonnes sur l’avant et 16 tonnes sur chacun des ponts arrière) pour 28,8 tonnes à vide. Avec cette charge utile de 16 tonnes, le poids sur l’avant semble excessif pour la suspension et pour les châssis longs, il serait souhaitable de la renforcer.
Seul incident intervenu durant les essais : « les pots d’échappement, trop bas, ont été arrachés au premier passage de dunes et nous avons roulé en échappement libre. Le bruit est d’ailleurs sans grand changement mais, lors d’une marche arrière, les tuyaux se remplissent de sable ».
Conclusions :
« La prochaine saison pétrolière sera la consécration définitive du matériel saharien, du fait de l'obligation de pénétration dans l’erg avec des charges lourdes.
Le GBO 15 P 6x6 long avec monte en 1800 x 25 peut nous permettre de nous imposer définitivement à condition de modifier très rapidement les anomalies signalées plus haut et qui sont rappelées ici :
– débattement du pont arrière trop faible ;
– absence de blocage de différentiel ;
– braquage insuffisant ;
– assistance de direction trop faible
».


Avec ses pneumatiques Michelin 1800 x 25 X représentant à l’époque le nec plus ultra en matière de portance (surtout en monte jumelée), le GBO 15 P 6x6 affronte les dunes sans soucis particuliers. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’en attaquer une de front, les problèmes peuvent être au rendez-vous au sommet lorsque, basculant de l’autre côté de la dune, l’avant déleste brusquement le pont arrière extrême qui se retrouve dans le vide. Dès lors, du fait de son poids, le véhicule se trouve dans l’impossibilité de poursuivre sa progression. Une augmentation du débattement de ce pont doit permettre d’améliorer la situation, d’autant que, dans l’ensemble, les capacités de franchissement du GBO 15 P 6x6 se révèlent excellentes. Depuis peu, les GBO 6x6 sont équipés de fentes d’aération dans les joues de capot, afin d’optimiser le refroidissement du moteur 300 chevaux turbo. L’importance de l’empattement du véhicule apparaît clairement ici.
(Clichés Fondation de l’automobile Marius Berliet)


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Avec l’aimable autorisation de
Jean-François COLOMBET – Rédacteur en chef
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