Berliet est un des premiers constructeurs à se pencher sur les problèmes de transports en zone saharienne et sub-saharienne. Certes, comme ses concurrents, il répond déjà aux besoins des transporteurs locaux traditionnels, dont l’activité est centrée sur l’agriculture et, dans une moindre mesure, sur l’industrie. Les matériels qu’il propose sont du type courant, les GLC 6 à moteur quatre cylindres et GLR 8 à moteur cinq cylindres se taillant la part du lion. Cependant, avec l’intensification de la prospection pétrolière puis avec l’apparition des premiers gisements, les besoins évoluent de façon radicale : il faut dès lors assurer l’acheminement de matériel spécial, souvent lourd et encombrant, jusqu’en des endroits situés très au sud, en plein Sahara, et ceci en l’absence d’aucune route ni d’aucune piste. Cette nouvelle donne donne le jour à des véhicules spéciaux capables de transporter de lourdes charges et d’évoluer sans problème majeur à travers l’erg. Leur charge utile constitue un facteur d’autant plus important qu’elle conditionne la rentabilité des transports, le coût de ces véhicules étant non négligeable, tant du fait de leur taille que de leur production forcément limitée.
Dans le sud algérien, les transports courants sont réalisés avec des véhicules identiques à ceux circulant en Métropole, à quelques détails près. Ce GLM 10 b appartenant à la société Edragas de Djelfa est ainsi équipé d’une monte en pneumatiques Michelin 1400 x 20 à profil routier, ce qui lui confère une allure un peu particulière. II est en outre doté d’une visière pare-soleil et de deux réservoirs à gasoil de grande capacité. Le véhicule procède ici au ravitaillement d’un camp de base de la Compagnie générale de géophysique. II est immatriculé dans le département de Médéa.
Avec son excellent moteur cinq cylindres, le Berliet GLR 8 et ses dérivés se forgent très tôt une bonne réputation en Algérie. Si les premiers exemplaires testés par l’usine en 1951 pêchent un peu par leur équipement métropolitain, le modèle se voit rapidement amélioré et bénéficie dès lors d’une fiabilité qu’il devient difficile de prendre en défaut. Ce GLR 8 b de 1955 appartient aux transports Hadjadj d’El Golea
Berliet est présent en zone saharienne dès les années trente, et la marque compte de nombreux fidèles. Après la guerre, les fameux GDR 7 à quatre cylindres et GDM 10 à six cylindres rencontrent un certain succès. Ce GDM 10 Wa de 1951 carrossé d’usine en plateau à ridelles en bois a reçu une citerne à mazout, ici en cours de vidange. Le moteur de l’engin, un six cylindres MDEC de 10,85 litres à injection Ricardo, développe 135 chevaux.
Au milieu des années cinquante, les ensembles articulés relèvent encore de l’exception. Ils n’en demeurent pas moins quasi incontournables pour certaines applications, notamment lorsqu’il s’agit de déplacer des ensembles de grande longueur, comme ce corps de derrick. Propriété d’une entreprise de transports algéroise, ce Berliet TLM 15 b arbore un phare additionnel encastré dans la calandre.
Cet exemplaire de GLC 8 b 4 x 4 a reçu un plateau à ridelles réalisé en tubes et treillis et signé par l’entreprise lyonnaise Baj & Fond. Son treuil avant, sa monte en pneumatiques Michelin 1200 x 20 sable et son équipement Tropic comprenant visière pare-soleil, pare-brise ouvrant et toit blanc trahissent son affectation saharienne. (Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Les besoins engendrés par les travaux d’exploitation pétrolière sont très variés. Parallèlement aux chargements lourds, il est parfois nécessaire d’emporter des matériels de taille ou de poids réduits en tout terrain, et entre autres en zone sablonneuse. Pour répondre à ce marché, Berliet adapte son GLC 8 4 x 4. Le GLC 8 a 4 x 4 du départ devient successivement GLC 8 b 4 x 4, GLC 8 R 4 x 4, GLC 8 M 4 x 4 puis GLC 8 MR 4 x 4, ces modèles restant globalement très similaires et ne différant les uns des autres que par des détails (type de pont avant, améliorations moteur, équipements, etc.). Ce GLC 8 b 4 x 4 est carrossé en plateau et porte ici une installation de pompage.
Ce 4 x 4 très typé est un modèle GLC 8 M 4 x 4 doté du nouveau type de pont avant. Cet engin commandé par la société d’exploration pétrolière Forenco a été doté par Sinpar d’un plateau oil field body avec chèvre, et d’une galerie et d’une plateforme de capot facilitant l’emploi de la chèvre. S’il comporte un système de filtration renforcée, ce véhicule est en revanche monté sur pneus Michelin 1200 x 20 route classiques.
Pour augmenter la charge utile et surtout pour faciliter l’évolution du véhicule dans le sable, Berliet conçoit un nouveau châssis. Doté d’un pont avant spécifique et d’une boîte de transfert fournis par Herwaythorn, et de ponts arrière dérivés de ceux du GLB, celui-ci est baptisé GLC 8 6 x 6. Celui de ce cliché, l’un des premiers produits, comporte tous les attributs du véhicule saharien type.
Le GLC 8 6 x 6 fait l’objet de plusieurs campagnes d’essais très poussés en zone saharienne, au cours desquelles il prouve peu à peu sa supériorité. Affublé d’une immatriculation factice par le service publicité de l’usine, ce GLC 8 6 x 6 a été photographié dans l’erg en 1957.
Si le GLC 8 6 x 6 acquiert le surnom de Gazelle, le GBC 8 6 x 6 qui lui succède rapidement en bénéficie également. L’engin participe notamment à la célèbre Mission Ténéré, une expédition scientifique menée grâce au soutien logistique de neuf GBC. Étonnée par les capacités d’évolution de ce matériel, l’armée française en passe rapidement commande d’une centaine d’exemplaires.
Le GBC 8 6 x 6 devient GBC 8 M 6 x 6 avec l’adoption du nouveau moteur Magic à cinq cylindres, et se voit décliné dans une version renforcée type GBC 8 RM 6 x 6, dont le PTC est augmenté à 17 tonnes sur routes (soit 3,5 tonnes de plus que son prédécesseur). De ce dernier véhicule dérive le GBC 8 RM 2 6 x 6, qui lui succède et que l’on voit ici au salon des travaux publics. Cet exemplaire à châssis long est doté de roues montées de façon identique à l’avant et à l’arrière, une disposition que l’on retrouve parfois sur les GBC. (Cliché collection Fondation de l’automobile Marius Berliet)
À partir de 1955, Berliet propose en Algérie son tracteur routier TLM 15 b à moteur MDO 2 de 200 chevaux. Puissant et robuste, ce modèle connaît un succès honorable. Celui-ci est immatriculé dans le département d’Alger.
Beaucoup de transporteurs et de sociétés d’exploitation pétrolières officiant en Algérie se portent acquéreurs de tracteurs routiers 4 x 2 lourds équipés de façon spécifique. Concurrent des Willème LD 4 x 2 T et LD 4 x 2.15 T, ce Berliet TLM 15 M a été doté d’un treuil Sinpar avec bâti, porte roues de secours et galerie, ainsi que de renforts de châssis et d’un rouleau arrière permettant le halage de charges rapprochées. L’engin est animé par le six cylindres Magic MDO 3 M développant 240 chevaux SAE.
Pour répondre à l’augmentation des charges transportées, qui seule peut rentabiliser l’acheminement de marchandises dans les zones difficiles d’accès, le constructeur lyonnais met au point son célèbre GBO en 1956. Au printemps, le prototype de la série type GBO 15 RHC (ici photographié à Vénissieux, dans la cour de l'usine) débarque en Algérie, reçoit une citerne de 24 000 litres et effectue la liaison Alger – Hassi-Messaoud et poursuit sa route jusqu’à Fort Flatters. Monté sur pneumatiques Michelin H 20 P, ce véhicule de 200 chevaux affichant un PTC de 36,1 tonnes révèle d’étonnantes possibilités de franchissement dans le sable. Ce faisant, il surclasse haut la main les tracteurs de semi-remorques de capacité identique. (Cliché collection Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Le GBO 15 RHC évolue quelques temps après en GBO 15 6 x 4 HC en recevant quelques améliorations mécaniques. Son esthétique se voit elle aussi quelque peu modifiée, les phares logés dans les ailes se trouvant remplacés par deux projecteurs supplémentaires dans le pare-chocs. Doté de pneumatiques 1600 x 20 Michelin, ce GBO 15 6 x 4 HC à châssis long surpris au cours d’une halte à Ouargla en décembre 1961 est assez impressionnant. L’engin est immatriculé dans le département de la Saoura. (Clichés Etienne Cadet)
Les GBO 15 R 6 x 4 (code) et RHC 6 x 4 (hors code), sont bientôt dérivés en version tracteur type TBO. Celui-ci, un TBO 15 R 6 x 4 code à treuil Sinpar, sort en 1957 des usines Fruehauf, qui viennent de terminer sa semi-remorque plateau pétrolier.
Le TBO suit bien sûr l’évolution technique et esthétique du porteur. Ce TBO 15 6 x 4 HC monté en Michelin H 20 P et équipé (comme nombre de ses congénères) d’un treuil Sinpar est donc logiquement doté de quatre phares dans le pare-chocs. L’immatriculation 8 H correspond au département des Oasis. (Collection J.C. Branthomme)
Décidé à se tailler une part importante du marché naissant des gros porteurs en Algérie, Berliet multiplie les caravanes dans le Sahara. Ces dernières mêlent souvent de nouveaux véhicules en cours d’essai, de mise au point ou d’évaluation, et des véhicules appartenant à des transporteurs clients ou non de la marque. Celle de ce cliché ne comporte que des camions de l’usine, comme l’indiquent les monogrammes peints sur leurs portières. On reconnaît un TBO 15 6 x 4 turbo suivi par un GBO 15 6 x 6, un modèle nouveau spécifiquement développé pour la recherche pétrolière, et par un TBO 15 6 x 4 à moteur atmosphérique. Ces trois véhicules, dont le premier est curieusement attelé à une semi-remorque à un essieu seulement sont équipés de pneus 1400 x 20. Ils sont accompagnés du prototype du GLC 8 6 x 6, que l’on aperçoit sur la droite, et par deux Land Rover 88 de l’usine. (Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Le Berliet GBO 15 P 6 x 6 (le P de la désignation signifiant pétrolier) est dérivé du GBO 6 x 4 mais dispose d’un pont avant spécial, d’une cabine spécifique réalisée à l’unité à Lyon, et reçoit en série le moteur six cylindres suralimenté MDO 3 de 14,76 litres et 300 chevaux, ainsi qu’une monte en pneumatiques en 1400 x 20 puis 1600 x 20. Pour améliorer encore sa capacité d’évolution dans le sable, il sera finalement doté de pneus de 1800 x 25. Attelé à une semi-remorque Coder de 40 000 litres, celui-ci part d’Alger et rallie Edjele et El-Mislane. La consommation moyenne s’établit à 140 litres de gas-oil aux cent kilomètres. II est vrai que le convoi accuse ses 70 tonnes bien pesées. De l’avis des essayeurs, l’engin fait montre de remarquables qualités de franchissement et sa boîte de vitesses est bien étagée, mais la puissance est encore un peu juste. (Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Le même véhicule, qui porte les couleurs de son constructeur, participe en février 1958 à Ouargla à des essais réalisés à l’initiative de Trapil (Omnium technique des transports par pipe line) et visant à mesurer la résistance au roulement en fonction de la charge et du type de pneumatiques. Il est attelé à la même semi-remorque Coder.
Bien qu’il porte le même numéro d’immatriculation provisoire (1460 W 16), ce GBO 15 P 6 x 6 est différent des précédents. Équipé d’un plateau oil field body plus épais, il tracte une semi-remorque saharienne Coder adaptée à la hauteur considérable de sa sellette, qui peut former saillie par rapport au plateau ou bien se rétracter dans se dernier.
Ce GBO 15 P 6 x 6 de retour d’essais dans le Rhône stationne devant les services administratifs de l’usine de Vénissieux, son chauffeur (les bas de pantalons rentrés dans les chaussettes, pour faciliter l’accès à la cabine, rendu quelque peu malaisé par les tubes repliés du gin pole !) discutant devant la porte. L’ensemble constitue à l’époque le nec plus ultra pour les transports sahariens, avec le Kenworth 853 6 x 6, dont la capacité d’emport est inférieure. Les pneumatiques sont des 1800 x 25 XS Michelin. (Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)
Par sa taille, le nouveau T 100 ne passe pas inaperçu ! Tout au long de sa descente vers le sud, il fait l’objet d’innombrables prises de vues. Arrivé à pied d’œuvre, le phénomène continue. (Cliché Pierre Hattenberger)
Berliet ne s’arrête pas en si bon chemin. Ayant appréhendé lors d’un survol du sud saharien les énormes problèmes générés par l’acheminement de charges extra lourdes dans les sables de l’erg, Paul Berliet lance la conception d’un véhicule nouveau d’une taille sans commune mesure avec les matériels existants, le T 100. Il s’agit d’un porteur 6 x 6 d’un poids total en charge théorique de 110 tonnes équipé d’un moteur Cummins V 12 de 600 chevaux et doté de pneus 37,5 x 33 spécialement développés par Michelin. Le deuxième exemplaire qui sort des usines de Monplaisir à Lyon est quant à lui doté d’un autre V12 Cummins de 700 chevaux, bien qu’il arbore un monogramme 600 chevaux sur sa calandre. En décembre 1958, il est conduit à Touggourt, où il effectue des essais. Il est ici photographié en février 1959, alors qu’il transporte le treuil d’une sonde représentant au total 900 tonnes de matériel. Ce chargement d’un poids de 30 tonnes est mené à bon port sans encombre.
Le même véhicule, équipé d’un plateau à ridelles, stationne ici dans une cour de caserne dans le sud saharien. Il est escorté par un GLC 8 6 x 6 transportant un pneu de secours, un TBO 15 R 6 x 4, deux TBO 15 6 x 4 et deux GLM 10 R.
En septembre 1960, le premier T 100 produit rejoint son frère en Algérie, à l’issue d’une campagne de promotion qui lui a fait faire un tour d’Europe des salons et foires-expositions, avec un détour par Casablanca au Maroc. L’engin est ici déchargé du cargo Perrégaux sur les quais d’Oran. (Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)