Édouard NOWINSKI

appelé du contingent 65 2/A
2ème Compagnie – 2ème Peloton

 

 

CIT 152 à Laon du 5 juillet 1965 au 19 janvier 1966
3ème GT à Reggan du 26 janvier 1966 au 13 octobre 1966

 


Les photos et légendes sont d'Édouard NOWINSKI

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Salut les tringlots !

C’est un sacré coup de rétroviseur qui nous est permis, depuis peu, grâce à ce que nous pouvons appeler aujourd’hui Notre Site Internet. Et je souhaiterais, avant tout, remercier Michel pour cette formidable initiative et son extraordinaire dévouement, qui nous permettent désormais de fouiller dans nos mémoires afin de retrouver ces très bons souvenirs, vieux de plus de 40 ans mais surtout de nos 20 ans.
Je n’ai, comme beaucoup d’entre vous, que très peu souvent eu l’occasion d’évoquer cette période.
D’abord parce que je n’ai pas eu la chance de rencontrer des camarades qui étaient, comme moi, à Laon et à Reggan pour leur service militaire et également parce qu’en parler à des personnes qui ne l’ont pas vécu ce n’est pas évident et surtout peut devenir ennuyeux quand c’est trop souvent.
C’est donc maintenant avec un énorme plaisir que j’ouvre Notre Site pour me replonger dans cette période de notre vie commune et qu’aujourd’hui j’essaie de rassembler tous ces vieux souvenirs afin d’écrire ces quelques mots.
À Laon j’y suis resté un peu plus de 6 mois car j’y ai fait les classes habituelles plus le peloton.
Je sais qu’au départ, lorsque j’ai appris que ma future destination après les classes était le désert algérien, cela n’a pas été la grande joie. Mais au fil du temps je me suis fait à cette idée car je me suis vite dis : « tu as 16 mois d’armée à faire alors, plutôt que de décompter les jours les uns après les autres et que cela devienne une galère, donne toi à fond dans ce que tu fais et tu passeras sûrement des meilleurs moments ».
J’ai toujours aimé pratiquer le sport, c’est pourquoi, par exemple, le parcours du combattant c’était pour moi un moyen de me défouler et de faire une compétition, plutôt qu’une corvée. Habitant dans le Nord – Salut les Ch’tis ! – prés de Douai, donc pas trop loin de Laon, j’ai eu l’occasion, comme certains autres, d’avoir une ou deux perms supplémentaires grâce aux résultats des parcours car le sous-off décidait parfois de donner une permission aux 3 premiers (en plus de celles prévues).
Je me souviens que lors de notre marche de fin de classe (3 jours à raison de 30 km par jour), je m’étais dit : « Édouard tu restes au plus prêt derrière le lieutenant pendant le parcours ainsi, à la pause, tu auras plus de temps pour souffler ». Les 2 premiers jours pas de problèmes, mais le 3ème, après avoir marché 2 heures environ, le lieutenant qui n’était plus très certain du parcours, a du faire une bourre et quand nous avons croisé les retardataires du groupe, qui nous ont bien sûr emboîté le pas, nous nous sommes tous dit : « rien ne sert de courir mais il vaut mieux suivre le bon cheval ! ». Quelques bornes en plus dans les pattes pour certains, vite oubliées car nous savions que c’était notre dernier jour de galère.
Nous avons d’ailleurs, ce jour-là, fait un coup décidé par le lieutenant. Nous nous sommes tous regroupés peu avant d’arriver à la caserne, pour y entrer en rang, au pas cadencé et en chantant. Je me rappelle, qu’à notre entrée, la plupart des fenêtres des bâtiments se sont ouvertes pour nous regarder car revenir ainsi après 100 bornes de marche n’était pas habituel.
Il y a quelques jours, grâce à Daniel POIROT, j’ai pu contacter Alain BEAUJEAN, au téléphone, que j’avais essayé de retrouver il y a une vingtaine d’années sans succès. J’ai un souvenir particulier d’un certain soir dans la chambrée avec lui et certains autres. En fin de journée, dans notre piaule, quelques uns parmi nous avaient décidé, en douce, de faire une farce, qui s’est avérée de très mauvais goût, pour Alain : lui raser la moitié de la moustache qu’il portait (il rentrait en perm, en Bretagne, le lendemain). Ce qu’il n’a pas apprécié du tout et il l’a fait savoir en tapant sur son casque lourd tard dans la nuit en étant assis sur son lit. Celui-ci était juste au dessus du mien. Vers une heure du matin je me suis adressé à lui, plusieurs fois, en lui demandant d’arrêter car tout le monde n’était pas responsable de ce qui lui avait été fait et qu’il n’avait pas à empêcher toute la chambrée de dormir. Comme il ne s’arrêtait pas, je me suis levé et l’ai bousculé un peu fort, il n’a pas pu se retenir et il est tombé la tête la première sur le sol du haut de son lit. Sur le coup j’ai bien cru l’avoir tué car il est resté allongé sur le sol sans bouger. Après quelques soins, de l’eau froide sous la douche, tout est heureusement revenu dans l’ordre. Cette vieille histoire ne m’a jamais quittée, car à l’époque j’avais bien cru avoir fait le pire à mon meilleur copain de chambrée alors qu’au départ je n’y étais pour rien. C’est avec une grande joie que j’ai évoqué récemment cette anecdote avec Alain qui ne se souvenait plus de sa chute (et pour cause).

 

Laon le
14 juillet 1965 *
Défilé au CIT 152

* Je suis au 1er rang, 2ème en partant de la droite

 

Je ne sais plus trop pourquoi je suis parti un peu plus tard que les autres (instruction aux nouveaux, je crois), mais le grand jour est arrivé. Le 18 janvier 1966 départ de Laon en train pour Marseille, deux nuits au camp Sainte- Marthe, le bateau (une nuit d’enfer due à une tempête, le reste du temps sur le pont dans les cordages). Arrivée à Oran, la « Rafale » (pas l’Orient Express) jusqu’à Béchar, puis le Noratlas jusqu’à Reggan-Plateau et enfin arrivée en Gazelle le 26 janvier 1966 à Reggan-Ville notre lieu de villégiature.
Accueil par les anciens dans la chambrée du bordj du 2ème Peloton de la 2ème Compagnie et retrouvailles avec les camarades de chambrée de Laon.
Notre fameux bordj, avec sa fontaine en bois pétrifié, cette pierre qui un jour m’a value d’avoir 3 points de sutures sur le tibia. Car souvenez-vous, il arrivait souvent que l’on prenne un des camarades, souvent un nouveau, par les bras et les jambes pour lui mettre les fesses dans la flotte. Eh bien cette fois là au moment où je le lâchais il m’a entraîné avec lui dans sa chute et c’est sans peine que la fameuse pierre m’a occasionné une plaie assez profonde de quelques centimètres.
Je ne suis pas resté longtemps avec les gars dans la chambrée car début avril 1966 j’ai été nommé MDL, donc je suis allé au bordj Estienne jusqu’à la fin de mon séjour à Reggan.

Édouard et  ?
Sur le parc GBO

J’ai eu la chance, au cours de ces quelques mois dans le désert, de faire un certain nombre de missions, que ce soit sur Béchar ou In Amguel, dont 2 qui m’ont plus marqué que les autres.
La première est celle où j’ai été tout d’abord convoqué par le commandant de compagnie qui m’a spécifié qu’il m’avait désigné en temps que chef de convoi pour Béchar, ce qui n’était pas encore arrivé à un appelé. Je lui ai demandé une faveur, celle de choisir les camarades pour cette mission. Il a accepté, j’en étais très heureux et l’en remerciais. J’ai, bien évidemment, fait mon choix dans les copains ou de chambrée ou de la classe. La mission s’est déroulée sans problèmes majeurs, sauf un « ensablage » de 3 GBO sur 4 au premier bivouac à Kerzaz. Il a fallu un sacré bout de temps et une bonne dose d’énergie pour les sortir et reprendre la piste. À Béchar nous ne restions pas longtemps, retour presque immédiat. La veille je vais donc voir les copains pour leur rappeler que le départ se faisait le lendemain, comme d’habitude, à 5 heures du matin, première vacation radio juste au départ. Tout était organisé avec le commandement, sauf que certains des gars ont refusé de partir se disant être trop fatigués pour prendre la piste. Malgré mes explications sur l’organisation à modifier et les démarches à faire auprès des supérieurs, toujours le refus. Lorsque je suis allé prévenir le commandant en service, il m’a demandé pourquoi, je lui ai donc expliqué. Eh bien là, à ma grande surprise, il a simplement dit :
« C’est un refus d’obéissance, tous les gars en tôle et puis le tribunal militaire ».
J’ai, après bien des difficultés, réussi à lui faire changer d’avis et de faire le nécessaire pour retarder la mission d’une journée. Lorsque je suis rentré à la base j’en ai fait part aux gars, qui je crois ne m’ont pas cru, et cela ne les a même pas empêchés de faire une virée en ville le soir. Ce jour-là je me suis dit que la prochaine fois je ne demanderai plus à avoir le choix des camarades à emmener en mission, pensant leur faire plaisir, et cette leçon me servira plus tard.
Autre souvenir, mais cette fois aussi enrichissant mais pour d’autres raisons. La fameuse mission de Reggan à In Amguel, aller-retour puis de Reggan à Béchar aller-retour. La remontée des 2 CV Citroën et camions avec le Lieutenant MERLE comme responsable de convoi. À la descente vers In Amguel arrêt au poste de la Légion Étrangères dans les gorges à In Salah. Tout va pour le mieux pour tout le monde. Où cela se gâte pour moi c’est le soir avant la bouffe, on va prendre un pot au mess. Et là, comme j’étais le nouveau et le plus jeune gradé, il a eu une organisation qui s’est mise en place pour que mon verre ne se vide jamais. Le barman hongrois (langue presque similaire au polonais, que je parle) a sorti une guitare. À partir de là, les chansons et l’alcool ont eu raison de moi. Je me souviens du verre que je n’arrivais pas à vider, des paroles des chansons qui se mélangeaient, de mon essai de retour à la piaule en vélo (très bref dans le sable) et enfin des impacts de balles dans le plafond de la chambre dans laquelle je devais dormir et dont le lit n’arrêtait pas de bouger. Après cette soirée mouvementée la récupération a été assez compliquée mais à 20 ans cela ce passe assez bien. La suite de la mission retour a été très perturbée car il y a eu de nombreuses pannes et en particuliers des crevaisons pour les 2 CV (plus de 50). Lorsque nous sommes arrivés la nuit à Reggan nous avons terminé les derniers kilomètres avec des pneus à plat sans pouvoir les réparer car nous n’avions plus de matériel.

En mission
À Béchar

Sur la piste


Le retour dans mon foyer a été décalé de quelques semaines car j’ai réussi à avoir une permission en ayant prétexté un entretien d’embauche dans une société dont je connaissais le gérant, qui a fait un courrier de convocation que j’ai présenté au commandement de la compagnie.

 

Convocation
La perm


Le 14 octobre 1966 nous sommes trois du 3ème GT à prendre l’avion à Reggan-Plateau plus deux de la C.I.L.A. dont un gars du Nord. Arrivée en fin de journée à Paris. Nous sommes cinq, dont un qui habite en Région Parisienne qui se propose de passer la nuit à Paris parce que nous n’avions un train que le lendemain matin. Nous déposons nos paquetages dans le hall d’un hôtel dont il connaît le propriétaire. Nous restons ensemble toute la nuit en évitant de nous séparer malgré de nombreuses propositions qui nous sont faites en cours de soirée. Sauf le gars du Nord qui n’y résiste pas, malgré nos insistances pour qu’il reste avec nous. Le matin à notre retour à l’hôtel nous emportons nos affaires et il reste celles du gars du Nord, que le propriétaire nous demande d’enlever. Sachant que le gars est de ma région et qu’il va prendre le même train que moi je prends ses affaires. Le trajet n’est pas une mince affaire car l’ensemble est lourd et encombrant, il me faut donc m’y prendre en plusieurs fois. Par étapes de quelques mètres à chaque fois et ceci jusque dans le train. Sur le quai de la gare du Nord pas de Ch’ti et dans le train non plus. Ce paquetage, que j’ai laissé en gare de Lille, appartenait à un gars dont je ne connaissais ni le nom et encore moins l’adresse, je ne sais pas ce qu’il est devenu car je n’en ai eu aucune nouvelle et cela va faire bientôt 42 ans.

Le retour au bercail
Souvenirs

Voilà comment s’est terminée cette période de ma vie dont je garde un excellent souvenir. Des moments qui ne peuvent pas ne pas laisser de traces dans la mémoire. Retraité depuis bientôt 2 ans, jamais je n’aurais pensé qu’un jour tout cela me reviendrait en bloc, car je suis resté bien longtemps sans parler de ce temps où l’on avait tous 20 ans. Depuis cette époque il y a eu beaucoup d’autres événements importants : un mariage, trois enfants, 4 petits-enfants et une carrière professionnelle dans les travaux publics.


C’est avec grand plaisir que j’aimerais reprendre contact avec qui le souhaiterait.
Et encore une fois un grand merci à Michel.

Édouard du 2ème Peloton de la 2ème Compagnie