COMPAGNIE GÉNÉRALE TRANSSAHARIENNE (Transmis par Pierre JARRIGE)

« Mon ami, le pilote Estienne... »
Georges Estienne, né en 1896, est le fils du général Jean-Baptiste Estienne, créateur des chars d'assauts et de l'Aviation militaire. Engagé en septembre 1914, à 18 ans, il passe dans l'aviation en 1915. Pilote aux escadrilles N12 puis N49, spécialisé dans la reconnaissance, il prend des clichés loin à l'intérieur des lignes allemandes, allant jusqu'à photographier les usines Zeppelin à Friedieschafen. Son ami Joseph Kessel, qui avait été son condisciple au lycée de Nice, commencera son roman Nuits de Sibérie par la phrase : « Mon ami, le pilote Estienne... ».
Après être passé aux essais en vol à Villacoublay, Georges Estienne découvre le Sahara à la suite de son père qui s'intéresse aux véhicules à chenilles d'André Citroën conçus par l'ingénieur Kégresse. Il participe, du 17 décembre 1922 au 7 janvier 1923, avec son frère René, à la première double traversée du Sahara par la mission Citroën de Georges-Marie Haardt et Louis Audoin-Dubreuil.
La mission Citroën a emprunté les pistes chamelières sur un sol difficile par les massifs montagneux de Touggourt à Tombouctou. Georges Estienne, qui croit aux possibilités de la voiture à roues, envisage déjà de créer une route dans le Tanezrouf, encore en blanc sur les cartes et qui n'a été traversé qu'une fois, par le lieutenant Cordier en 1913 au prix de difficultés considérables. L'enjeu et énorme : 1400 km, dont 1000 km sans eau. En 1923, il dresse le projet la traversée du Sahara par voie aérienne et par voie ferroviaire.
La mission Alger-Niger
Suite au succès de la mission Citroën, Gaston Gradis, industriel qui, entre autres activités construit les avions Nieuport, fonde en 1923 la Compagnie générale transsaharienne (CGT), société de transports routiers dont le général Estienne est président. Le but de la CGT est de reconnaître et d'équiper une route transsaharienne devant convenir à l'établissement d'une voie ferrée et d'une ligne aérienne. La piste automobile étant la base logique qui permet la construction de la voie ferrée et des aéroports.
La CGT met sur pied la mission Alger-Niger, à travers le Tanezrouft, dirigée par Georges Estienne, qui part d'Alger le 9 novembre 1923 avec quatre autos-chenilles Citroën et un avion Nieuport à ailes repliables en remorque. L'avion devant être utilisé pour faire des reconnaissances d'itinéraires à travers les dunes du Grand Erg Occidental que la mission doit traverser pour rejoindre Timimoun. Mais l'avion se brise à l'atterrissage dans les dunes d'Hassi-el-Hamri.
La CGT résussit à déterminer la route directe Reggan-Gao, évitant la traversée de toute région accidentée, d'erg ou de sable mou. L'obstacle saharien disparaît et le Tanezrouft, naguère redouté, se révèle particulièrement favorable au roulage des automobiles et à l'atterrissage des avions. Cet itinéraire sera emprunté les années suivantes par les différentes missions qui franchiront le Sahara tant par air que par terre (voyage du maréchal Franchet d'Esperey, raid Deligette, Croisière noire, mission De Goys...).
Bidon V
En février 1926, les frères Estienne balisent la piste du Tanezrouft en enfouissant, tous les 50 km, une réserve d'eau signalée par un fût vide. Le premier bidon, au nord de Tessalit, porte le numéro 1 et la numérotation continue jusqu'au numéro 16. Le cinquième bidon, Bidon V, à mi-distance de Ouallen et Tessalit, est le relais le plus important de la piste Reggan-Gao, à 520 km de Reggan. Il devient célèbre avec son hôtel improvisé dans deux carrosseries de voitures-couchettes. Reggan est également aménagé sur la ligne d'autocars équipée de voitures-couchettes Renault 6 CV à six roues.
En 1926, la CGT prend l'initiative d'équiper la route reconnue. Elle construit tout d'abord, au milieu du Sahara, à Reggan, puis à Gao, des centres importants avec hôtels, garages, ateliers, stations radio, dépôts d'essence et de matériel... Les travaux de balisage des 1300 kilomètres qui séparent Reggan de Gao, décidés par le ministère de l'Air, seront terminés en mai 1932.
En 1927, la CGT organise, sur le parcours Colomb-Béchar–Reggan–Gao, le premier service régulier transsaharien par automobile et elle est chargée, l'année suivante, du transport des missions de l'Organisme d'études du chemin de fer transsaharien qui, après examen minutieux, devait aboutir à l'adoption du tracé Reggan-Gao, projet qui n'aboutira jamais, la ligne de chemin de fer s'arrêtera définitivement à Djelfa. Malheureusement, René Estienne et assassiné le 18 mai 1927 dans la région de Tindouf.
En 1929, la CGT entre dans un groupe important de Société de transports contrôlés par la Société anonyme de transports industriels et commerciaux. Sous l'impulsion de Maurice Bonhomme, administrateur délégué, la CGT va passer de la période d'études à celle des réalisations pratiques. C'est à cette époque, après son voyage d'inspection en Afrique Occidentale, qu'André Maginot, ministre des Colonies, accompagné du ministre Messimy et du maréchal Franchet d'Esperey, emprunte le service transsaharien de la Compagnie pour rentrer en Algérie.
En 1933, Georges Estienne, qui ne s'entend pas avec Maurice Bonhomme, démissionne de la CGT pour créer la Société africaine des transports tropicaux.
1934-1939.
La CGT qui, dès l'origine, avait pour but la création de liaisons aériennes entre l'Algérie et l'Afrique Noire s'est appliquée à l'établissement d'une infrastructure terrestre, sans laquelle une ligne aérienne ne peut fonctionner au Sahara. C'est à son organisation automobile, son réseau radio et ses postes de ravitaillement qui ont permis à la Compagnie de créer, pendant l'hiver 1933-34, le premier service aérien transsaharien régulier.
Après avoir effectué de nombreux vols au Sahara, en particulier avec le colonel Joseph Vuillemin 1931, Georges Etienne adjoint à la CGT l'activité aéronautique qu'il souhaitait depuis longtemps. En collaboration avec la Compagnie aérienne française, une expérience de transport de courrier par voie aérienne avait été entreprise en novembre et décembre 1931 avec des Farman. La perte d'un des deux Farman 190 met fin à cette tentative.
Après sept voyages d'étude effectués au printemps 1934, la CGT ouvre un service postal de Colomb-Béchar à Niamey le 17 octobre 1934 avec les Caudron 282 F-AMVD, F-AMVE, F-AMVF et F-ANBF. La ligne est étendu jusqu'à Cotonou le 28 novembre 1934. Au cours de cette période une liaison bi-mensuelle, avec des Caudron Phalène, a été établie entre Reggan et Gao, avec une régularité parfaite (pilotes : Monteil et Charles-Henri Fouquet). Par ailleurs, la CGT reprend, en août 1934 avec le Caudron 282 F-AMVF piloté par Monteil, la ligne Bône-Tunis abandonnée par Air France, mais sans transport de courrier. Cette activité prend fin début décembre 1934.
Avec le développement d'Air Afrique et de la SABENA, la CGT cesse toute activité entre Alger puis Oran et Niamey. Seul subsiste le trajet Niamey-Cotonou qui est cédé à l'Aéromaritime en juin 1935.
La piste défrichée par la CGT, au long de laquelle il est possible d'atterrir sans difficulté, permet aux avions de traverser la région désertique avec la certitude de recevoir des secours en cas de panne. La CGT dispose à Reggan, Bidon 5 et Tabankort, de stocks importants d'essence aviation et de lubrifiants Shell qui permettent le ravitaillement des avions à leur passage. Les touristes aérien peuvent souscrire avec la CGT un contrat leur assurant les ravitaillements nécessaires et les secours en cas de panne.
1946-1949
Après la guerre, la CGT, toujours dirigée par Maurice Bonhomme, s'intéresse de nouveau au transport aérien avec Pierre Pyt comme directeur. Directeur d'exploitation : d'Avout d'Auerstaed (colonel descendant du maréchal napoléonien, ancien pilote de chasse avec plusieurs victoires et fanatique de pilotage). Pilotes : Louis Demouveaux (chef-pilote), Georges Fleury, Margaillan, Riquier, Stress. Mécaniciens : Chevalier, Gerbet, Hérold (ou Eyrolle ?), Marye, Peyrebesse. Radios : Caccia, Maurice Etienne, Godard, Roullon.
La CGT obtient cinq Ju 52 (F-BBYQ, F-BBYR et BBYS livrés le 5 juillet 1946, F-BBZD livré le 19 juillet et le F-BCHC livré le 28 septembre), après avoir essayé, sans succès, le Caudron Goëland. Elle est autorisée au trafic aérien le 18 mai 1946 sous la direction de Hemeret, chef de service du réseau aérien, et devient la plus active des compagnies privées locales. Elle ouvre, les 18, 20 et 23 juillet 1946 les lignes Alger-Constantine avec escale à Sétif trois fois par semaine aller et retour, Alger-Laghouat-Ghardaïa un aller et retour par semaine et Alger-Mascara-Aïn Sefra-Colomb Béchar deux fois par semaine aller et retour, Alger-Touggourt quatre fois par semaine, Alger-Perpignan quatre fois par semaine et la ligne saisonnière Alger-El Goléa une fois par semaine.
En août 1947, le service Alger–Colomb-Béchar est prolongé, une fois par semaine, jusqu'à Niamey, via Adrar, Reggan, Aguel'Hoc et Gao. L'ambition de cette liaison est d'arriver à Brazzaville ou Bamako afin de compléter le réseau routier de la Compagnie, avec le slogan : La CGT vous transporte rapidement des Pyrénées au Niger. Premier transport d'ananas d'Abidjan le 30 octobre 1947.
Le 4 septembre 1946, le Ju 52 F-BBYS, avec 298 heures de vol, piloté par Margaillan (mécanicien Perebeysse), se pose trop long et heurte une balustrade en béton en bout de course à Oued-Hamimine (Constantine). L'avion est coupé en deux à la hauteur de la cloison des toilettes, sans mal pour ses occupants. Le 28 novembre 1947, c'est le F-BBYR, piloté par Georges Fleury qui termine sa course (et son existence) par un cheval de bois à Mascara. Le 17 avril 1947, le F-BBZD est contraint à l'atterrissage en brousse à la suite de fortes vibrations moteurs.
À la suite de cette série noire, elle reverse les Ju-52 encore en état de vol (F-BBYQ et F-BBYS) à l'armée de l'air et reçoit un Bristol 170 Freighter et les DC3 F-BEIX et F-BEIY empruntés à la compagnie Air Transport, appartenant au même groupe et filiale de la Compagnie générale transatlantique
Samedi avant le 9 janvier 1949 : un avion de fret de la CGT en provenance de Maison-Blanche est accidenté à l'atterrissage à Lyon. Le pilote Riquier, le mécanicien Chevalier et le radio Godard sont sérieusement blessés.
28 janvier 1949 : inauguration de la ligne Alger-Perpignan avec le DC3 F-BEIY (pilote : Stress, mécanicien : Eyrolle, radio : Caccia).
Juin 1950 : fusion avec Air Transport, création d'Air Transport Algérie dirigé par Houis.