Revue « Autocars & Grands Routiers » n° 325 - décembre 1960
Une deuxième mission BERLIET à travers le Ténéré
Lors de la présentation au Palais de Chaillot, le 4 octobre dernier, du film « Les tonnes de l’audace » tourné à l’occasion de la Mission Berliet-Ténéré (novembre 1959 - janvier 1960) M. Emile PARFAIT, président-directeur général des Automobiles Berliet avait annoncé le prochain départ d’une nouvelle mission transsaharienne.
Effectivement, celle-ci prenait le départ d’Ouargla, le 23 octobre, sous la conduite de M. Maurice BERLIET pour rallier le Tchad par un nouvel itinéraire inédit.
La première mission Berliet-Ténéré avait prouvé qu’une liaison directe Nord-Sud Afrique du Nord-Afrique Centrale à travers le désert était accessible aux camions tous terrains « Gazelle » trois ponts.
Cette fois il s’agissait de faire passer, outre les fameuses « Gazelle », des camions lourds de série à un seul pont mais munis de pneus sable dernier modèle. Ces quatre camions, des « GLM » Berliet fabriqués à Rouïba par Berliet-Afrique, emportaient chacun onze tonnes de charge utile !
La mission se proposait d’utiliser un itinéraire évitant par le nord les fameux ergs de Bilma et du Ténéré. Le navigateur était le commandant Armand, utilisant son procédé de lecture des photos aériennes pour déceler les passages les meilleurs. Un hélicoptère piloté par M. Voirin de Gyrafrique « éclairait » la marche du convoi. MM. Legal, Deviq, Frison-Roche, Hugot, et le docteur Cohen complétaient l’effectif de la mission dont le personnel technique était guidé par MM. Salmeron et Roguiez. Toute l’équipe, à l’exception de quelques jeunes, était fortement préparée, ayant déjà pris part aux reconnaissances précédentes dans le Ténéré.
Djanet fut rallié le 28 octobre, et dès le lendemain, le convoi s’élançait dans le désert absolu du Ténéré, suivant l’itinéraire reconnu en janvier, longeant les Monts Gaurier découverts par la précédente mission ; en deux jours, il parvenait à Séguedine, ayant amélioré l’itinéraire précédent et recueilli en cours de route de nombreux vestiges néolithiques. Puis par un itinéraire absolument inédit il gagna Zouar, au Tibesti, jalonnant par des balises les principaux changements de cap, et rejoignant la piste de Tripolitaine au Tchad, la mission rallia Fort-Lamy par Largeau.
Les 4 « GLM » se comportèrent à merveille durant les 4 840 km du parcours sans être un seul instant en difficulté ; il s’avère donc que cet itinéraire peut résoudre la question de la jonction de l’Algérie au Tchad, impossible par les ergs du Ténéré et qui obligeait jusqu’alors les véhicules à un détour de plus de 700 km par le Nigéria.
Sur ce parcours, les lourds « GLM » consommèrent 49 litres de mazout aux 100 km, transportant chacun onze tonnes, et de l’avis de l’expert saharien, M. Deviq, il est fort possible de faire rouler sans danger sur cette piste, une fois le balisage effectué, des convois de poids lourds plus importants, jusqu’à 25 tonnes de charge utile, rendant ainsi l’opération absolument économique.
Moins spectaculaire peut-être que les grandes découvertes scientifiques des précédentes missions, ce voyage de liaison économique entre la France, l’Algérie et le Tchad, se révèle de toute première importance, politique, stratégique et commerciale. Il importe, en effet, que les républiques indépendantes du Tchad et du Centre Afrique puissent être reliées par voie de terre avec l’Algérie ; des échanges de produits peuvent être faits utilement, denrées fraîches vers le sud, viande congelée du Tchad au retour !
L’accueil fait par le Président de la République du Tchad et les membres du Gouvernement tchadien, aux membres de la mission, prouve suffisamment le profond intérêt suscité par ce voyage qui ouvre une nouvelle voie aux échanges humains à travers l’Afrique.
La mission a quitté Fort-Lamy le 17 novembre pour son voyage de retour. Il s’agissait cette fois uniquement d’exploration scientifique et de balisage, et le convoi ne comportait que la « cellule d’exploitation » Berliet : 7 « Gazelle » tous terrains, un hélicoptère et 3 voitures légères de reconnaissance. Les savants Mauny et Keysel, complètent l’équipe scientifique qui se propose notamment d’étudier de nombreux sites préhistoriques, de reconnaître le « Trou au Natron » et enfin de traverser, par un itinéraire inédit, le Ténéré d’Est en Ouest, de Séguedine au Djebel Greboun, dans le Nord-Est de l’Aïr. Ceci constitue le but culminant de la mission au triple point de vue, géographique, botanique et surtout préhistorique. Enfin, après une halte dans les Monts Gautier, la mission ralliait Djanet le 7 décembre.
Un nouvel exploit au bilan africain de Berliet et qui nous vaudra, espérons-le, un nouveau film de la même qualité que le précédent et qui pourra s’appeler « Les super tonnes de l’audace ».
En rapport avec cette relation, il n’est pas sans intérêt de rappeler ici que Berliet vient d’inaugurer, le 22 octobre, une importante succursale à Constantine, et le 23 à Ouargla la base avancée des camions lourds sahariens, et notamment des fameux « T 100 ». L’inauguration de cette nouvelle base a eu lieu en présence de M. Henri FAURE, délégué général adjoint de l’O.C.R.S. et de très nombreuses personnalités.
Mission
Berliet Ténéré
9 novembre 1959 - 7 janvier 1960
Missions
Berliet Tchad
23 octobre 1960 - 9 décembre 1960.