À
propos de « tôle ondulée »
Etienne SCHUPBACH
Source:
LE
SAHARIEN
n° 75 - Trimestriel - 1980 - Décembre
Revue trimestrielle éditée par La Rahla - Amicale des Sahariens
Tous droits de reproduction (articles et illustrations) réservés
pour tous pays
LA très intéressante « Réflexion sur la tôle ondulée » du Colonel Francis Damy, dans le n° 73 (juin 1980) du Saharien, m’incite à communiquer mes propres déductions à ce sujet.
Ancien chauffeur saharien de poids lourds je me suis longuement intéressé à ce phénomène puisque nous devions le subir journellement.
L’explication de la formation de la tôle ondulée par analogie avec l’expérience du tube de Kundt est très intéressante et nouvelle pour moi. L’ébranlement du sol par les poids lourds étant en effet considérable mais ne semblant pas suffisant pour expliquer le phénomène dans son ensemble. Voici la solution que mes expériences m’en font donner :
Ceux qui s’intéressent à la mécanique savent qu’un ressort sollicite à une réaction vibratoire d’une certaine durée, fonction de l’intensité de la sollicitation ; c’est-à-dire qu’il vibre pendant un certain temps après chaque flexion avant de revenir à sa position initiale. C’est pour cette raison qu’on installe sur les voitures, sur les quatre roues, et sur les camions aussi, mais spécialement sur l’essieu avant, des amortisseurs de suspension. Ils ont pour but de supprimer cette réaction des ressorts de suspension, la limitant au seul débattement dû à l’obstacle. Qui donc n’a pas suivi une voiture sur une route inégale accusant chaque bosse par des oscillations répétées plusieurs fois ; c’est que ses amortisseurs sont défectueux.
Comme l’explique très bien le Colonel Damy, le degré d’hygrométrie saharien fait que les conditions ne sont pas les mêmes pour les pistes sahariennes que pour les chemins non bitumés des régions tempérées.
En région saharienne on constate presque toujours sur les pistes une couche superficielle libre de se déplacer au gré du roulage, couche d’ailleurs abrasée le plus souvent par le roulage et un fond stable et dur.
Il est parfaitement compréhensible que ce dur ne puisse pas être rigoureusement plat ; des aspérités, cailloux inclus dans la masse stable, rochers, etc., le rendent inégal. Les pneumatiques des véhicules heurtent ces aspérités toujours en place, bondissent ou simplement fléchissent pour retomber ou se détendre quelques décimètres plus loin, construisant devant eux une petite vague avec la couche superficielle de matériel instable, ce qui explique sa formation au même endroit.
Pour faire deux vagues successives, il n’est pas nécessaire que les amortisseurs soient défectueux ; mais vous savez tous, amis sahariens, que les amortisseurs ne restent pas longtemps en état de fonctionner parfaitement sur les pistes sahariennes. De plus les poids lourds en sont dépourvus sur les essieux arrière. Ce qui veut dire que pour chaque aspérité importante ce ne sera pas deux, mais trois, quatre vagues successives qui vont se former dès les premiers passages puis s’étendre progressivement à toute la piste, chaque vague étant une aspérité en soi.
Je pense aussi que, comme le dit justement le Colonel Damy, les pneus à carcasse radiale, par leur flexion et leur détente successives augmentent encore ce phénomène. On peut constater, si on a depuis le poste de conduite, à travers le plancher du véhicule, une vue sur l’essieu avant, que, à la vitesse à laquelle on « avale la tôle » celui-ci reste parfaitement immobile, seuls les pneumatiques absorbent les faibles inégalités de hauteur entre les différentes vagues, les roues passant d’une crête à la suivante. Le contact avec le sol est devenu alors tellement faible que la direction devient flottante et qu’un camion de plus de vingt tonnes peut devenir pratiquement incontrôlable de même que sur une route verglacée. À une vitesse moindre ; c’est la vitesse critique, les roues viennent buter contre chaque vague. En dessous, les roues épousent chaque creux et chaque bosse.
Quant aux ondulations plus accentuées à droite et à gauche, elles sont dues, à mon avis, aux passages plus fréquents des roues à ces endroits.
On peut aussi observer que la tôle sera plus forte et se formera plus rapidement sur les sols où la couche superficielle libre a une granulométrie bien représentée dans tous les diamètres, genre gravier à béton. En revanche elle ne se formera pas dans le sable homogène, ni dans l’argile pulvérulente (fech-fech). Il n’y a pas de tôle dans l’erg, ni dans les daïas, ni dans les sebkhas.
En ce qui concerne la fréquence de la tôle, je l’explique par le diamètre des roues. Aussi, on peut constater qu’une piste sur laquelle roulent essentiellement des voitures légères a une tôle de fréquence courte, alors qu’une piste utilisée exclusivement par des poids lourds a une tôle de plus longue fréquence. Réciproquement pour une fréquence de tôle donnée, un énorme camion pétrolier chaussé de pneumatiques 21.00 x 24.00 (environ 1,70 m de diamètre) l’avalera à 40 km/h alors qu’un autre camion monté en 16.00 x 20.00 (environ 1,30 m de diamètre) l’avalera à 60 km/h. Un Dodge AXA monté 9.00 x 16.00 devra atteindre une vitesse de 80 km/h et une petite Volkswagen chaussée 155 x 380 devra, elle, faire au moins 100 km/h pour l’avaler.
Je serais très intéressé de connaître les opinions d’autres amis sahariens à ce sujet et de savoir si une étude scientifique a été faite sur les conditions de la formation de la tôle ondulée.
Etienne SCHUPBACH
Réflexion sur la tôle ondulée par le Colonel Francis Damy
LE SAHARIEN n° 73 - Trimestriel - 1980 - Juin
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Le Saharien ».