UN PETIT TRAIN BIEN TRANQUILLE
HISTORIA magazine
N° 291 du 26 février 1973
PENDANT quatre mois, nous avons peiné comme des tordus au « Lido », c’est ainsi qu’a été surnommé le Centre d’instruction de l’arme blindée-cavalerie de Hussein-Dey. J’y ai gagné mon bâton de maréchal : 2ème classe.
Aujourd’hui, c’est la « ventilation ». À l’appel de leur nom, les hommes vont se ranger derrière les sous-officiers chargés de les embarquer dans leur affectation définitive : « 4ème chasseurs d’Afrique... 3ème hussards... 16ème dragons... »
On appelle ensuite les compagnies sahariennes : « Compagnie du djebel Amour... Compagnie du Tidikelt-Hoggar... Compagnie des Ajjer... »
Enfin, voici la mienne : compagnie saharienne portée de Timimoun.
Et voici ceux qui, comme moi, auront la chance d’y servir : Lacroix, étudiant en chimie à Avignon, que j’ai connu au peloton des tireurs ; Duloir, comptable dans une banque parisienne, qualifié de secrétaire, et Yvon, camionneur à La Rochelle, « chauffeur ». Les autres, qui, comme nous, ont raté Saumur, mais gagné le Sahara, j’aurai deux ans pour les découvrir.
Le sergent chargé de nous convoyer porte fièrement le képi bleu ciel à cordon blanc. Avec son beau visage bronzé, sa veste blanche cintrée et le vaste pantalon noir brodé de hongroises argentées, il ressemble à Jean Gabin dans Gueule d’amour ou à Gary Cooper dans un western saharien prêt à faire une hécatombe de méchants rebelles pour l’amour de Marlène.
Il tutoie tout le monde et rit quand Yvon lui demande avec méfiance si l’étoile et le croissant de son képi ne seraient pas un insigne fellagha.
Avant de monter en camion, il nous fait un discours rapide : « Ne vous séparez jamais. Restez avec moi, comme les doigts avec le pouce et que le cric me croque si je ne trouve pas la bouffe et la couche. Vous verrez que tout le monde ne pourra pas en dire autant ».
Un officier passe, il ne le salue pas. L’autre le fixe avec insistance, c’est tout juste s’il lui rend son regard. Voilà du nouveau.
Le camion démarre, la barrière se ferme derrière nous. Adieu, le « Lido » !
Le train s’appelle « la Rafale ». C’est un tortillard d’un modèle si ancien que personne n’en a jamais vu de semblable en France. Sur les portes des wagons, on lit, difficilement, des inscriptions qui nous rappellent quelque chose : « Hommes : 40. Chevaux en long : 9 ». Il y a des mitrailleuses en batterie sur les tourelles de char aux deux bouts du convoi. Les sièges des banquettes, les plaques d’émail aux initiales de la C.F.A. ont disparu depuis belle lurette. « La Rafale » a dû transporter, depuis le début de la rébellion, plusieurs fois son pesant de troupes comme le témoignent les innombrables graffiti qui éternisent le souvenir des classes depuis longtemps libérées.—————————————
Sur le quai obscur
—————————————Au départ, chaque embryon de compagnie reste aux places qui lui ont été désignées, mais comme les arrêts sont interminables à la plus petite gare, beaucoup descendent pour boire aux fontaines, visiter les copains affectés ailleurs, discuter une dernière fois avec eux, avant une séparation de toute façon définitive.
Je m’informe auprès du sergent sur le genre de vie que l’on mène au Sahara.
– On ne meurt pas souvent dans le Sud, me répond le sergent, et c’est déjà quelque chose.
– Et pour ce qui est d’y vivre ?
– Notre principe est : « Tu es saharien, tu te dém... ». Un principe pas trop déplaisant pour un partisan de la libre entreprise.
Sur les poteaux télégraphiques de la voie ferrée, des cigognes ont installé leur nid. Chacun les regarde avec tendresse, elles témoignent que nous ne sommes pas très loin de l’Alsace. Comme son nom l’indique, « la Rafale » bat les records de lenteur. Elle procède par petits bonds, de gare en gare, dont Lacroix relève minutieusement les symboles pour les envoyer avec ses bons baisers sur des cartes postales à ses professeurs et fiancées.
Nous arrivons à Perrégaux par une nuit noire. Notre sergent, suivi, comme il nous l’a demandé, par nous tous, serrés contre lui, s’enfonce comme un coin dans la masse de troupe qui essaye de se rassembler sur le quai obscur. Pliant sous le poids de nos bagages, nous arrivons les premiers à la caserne du génie, qui sert de centre d’accueil. Contrairement à la majorité des voyageurs militaires, mes frères, nous coucherons dans des lits, qui ne sont pas les uns au-dessus des autres, comme au « Lido », mais bien les uns à côté des autres, comme dans les palaces civils. Le prestige de notre conducteur en serait rehaussé si cela était possible.
On repart à 3 heures du matin, munis de ce que l’intendance qualifie de trois jours de vivres dans un sac de cellophane ; boites rouillées de corned beef, sardines et pâtés de couleurs variées, mais au goût uniformément avarié. Certains les jettent par la fenêtre. Ils le regretteront plus tard, car ils constituent une monnaie d’échange très appréciable contre les oranges proposées le long de la voie par des gosses déguenillés.
Nous arrivons tôt à Saïda et sommes décontenancés de bénéficier d’une liberté totale.
Nous nous promenons en ville comme des bidasses, dans une euphorie béate provenant de cette sensation extraordinaire d’être délivrés de toute contrainte. Un cinéma nous tente par ses affiches. Le caissier, qui a une trentaine d’années, nous interroge, avant de nous faire payer :
– Où allez-vous comme ça, messieurs ?
– Aux compagnies sahariennes, au-dessous de Colomb-Béchar.
– Ah, mes pauvres amis ! Vous aurez affaire à de beaux salauds !
Il a fait son service, il y a deux ans, dans la compagnie du Tidikelt, dans le Hoggar, à Djanet, dans le Tassili des Ajjer. Il connaît pratiquement le Sahara.
Il nous raconte des histoires atroces de types morts de soif, d’autres qui, devenus subitement fous au soleil, fusillaient leurs camarades ou, mieux, les éventraient en cachette, sans parler des crimes de perversion sexuelle, dont il semble personnellement conserver presque un regret. Sa sympathie n’est pas purement gratuite, puisqu’il nous offre généreusement les entrées. Le film est évidemment un western, probablement tourné à l’époque où se situe l’action. Je n’ai aucun scrupule à abandonner mes camarades, pour retourner me coucher dans la baraque en tôle ondulée, installée le long de la voie ferrée, qui nous sert de lieu de repos et de détente.
Depuis notre départ, la chambrée s’est remplie d’ivrognes qui braillent parmi des tessons de bouteille et des ordures diverses.
Les capitalistes sont allés coucher en ville. Le sergent s’est débrouillé de son côté.
Dans la nuit, j’entends mes copains. Ils ont fait affaire avec deux prostituées du cru. Ils en seront de 500 francs chacun, ce qui n’est pas cher, en comparaison des tarifs d’Alger, à condition qu’ils ne se fassent pas plomber...
Le lendemain, « la Rafale » s’engage sur les hauts plateaux. Nous découvrons d’irréels paysages blonds, coupés de montagnes noires. Derrière, le ciel est d’un bleu uniforme, plat et dur, comme une couche de laque.
Des Arabes, élégants et dignes, qui n’ont rien de commun avec la population dépenaillée de la zone du « Lido », montent à chaque arrêt. Ils paraissent étonnamment propres, mais dégagent pourtant des parfums violents et étranges qui, associés à nos odeurs corporelles et pédestres, créent une atmosphère lourde, difficilement supportable pour des narines occidentales. Heureusement, un vent furieux pénètre par les carreaux cassés et purifie l’air, tout en recouvrant d’une poussière rouge les voyageurs et leurs paquetages. Les torses nus se recouvrent d’une carapace de boue séchée mélangée à des débris de paille.—————————————
Une chapelle ardente
—————————————Vers le soir, le vent redouble de violence, le soleil se couche d’un seul coup dans un paysage lunaire.
À Aïn-Sefra (traduction : fontaine jaune), rien n’est prévu pour dormir.
Sur un signe du sergent, notre petit groupe sort furtivement du wagon où 80 hommes essayent de trouver une position pour dormir ou du moins allonger leurs jambes sur l’énorme tas de valises et de sacs qui déborde dans le couloir.
Notre ange gardien a fait un nouveau miracle. Il a repéré un wagon de 1ère classe de la Compagnie des chemins de fer algériens et crocheté une de ses portières. Nous le prenons silencieusement d’assaut. Chacun des luxueux compartiments est décoré de photos de château : Versailles, Azay-le-Rideau..., qui contrastent avec l’aspect poignant de cette gare perdue. Nous nous endormons sur les banquettes recouvertes de cretonne. Ma curiosité me pousse à explorer le wagon voisin encore qu’il soit plombé. Il a été transformé en chapelle ardente où brillent des cierges. Je ne découvre pourtant aucun cercueil, qui explique cette mise en scène. Les morts de la dernière opération ont probablement débarqué à Oran. Les banquettes réservées à la famille sont particulièrement bien rembourrées. Je m’en empare avec délice.
Deux heures plus tard, mon sommeil est brusquement troublé. Le train s’est mis en marche. Je saute sur la voie, que je remonte vers la gare, retrouvant en cours de route notre petit groupe. Je l’ai échappé belle pour avoir suivi les conseils de Gabin-Cooper et m’être déjà pris pour un saharien, capable de se débrouiller tout seul.
Cette fois l’ange gardien ne réussit pas à vaincre l’adversité. Nous errons dans la nuit de wagon à plateaux en wagon à bestiaux, grelottant de froid jusqu’à la salle d’attente que le chef de gare, qui a une vision toute personnelle de la coopération, a cadenassée comme une porte de prison, de crainte, sans doute, d’avoir le ménage à faire après notre départ.
Je remarque qu’aucun d’entre nous n’est armé et qu’il n’y a aucun poste de garde, bien qu’on nous ait expliqué que ces arrêts nocturnes étaient dus à la nécessité d’assurer la sécurité du train.
À l'aube « la Rafale » repart.
Nous roulons maintenant sur une voie unique et l’on nous a munis d’une escorte, une douzaine de dragons qui, pour se désennuyer, tirent sur les lézards de rocher. Ils portent des bérets de toile couleur de sable dont les deux petits rubans battent gracieusement leurs nuques. Ils ne sont pas tranquilles. Ils m’expliquent que, suivant les statistiques, le train saute tous les deux jours. Comme il y a cinq jours qu’il ne s’est rien produit, la situation ne leur parait pas claire.
Je m’instal1e sur la plate-forme arrière et je regarde filer entre les rails droits à l’infini dans le désert, les pierres du ballast.
D’après les derniers tuyaux du sergent, nous n’allons plus à Tabelbala, mais directement à Timi, à 275 km au nord de Reggan.
Malgré la fatigue de ce voyage interminable, j’exulte à la perspective de voir du nouveau.
Je me représente Timi comme une image d’Épinal, avec des maisons cubiques, surmontées de coupoles blanches, sous des palmiers bien verts sur un fond de hautes dunes de sable rouge.
Beni-Ounif, la première ville typiquement du Sud, dément cette vision stéréotypée : des bâtiments carrés, rouges, peu nombreux et très bas, un soleil torride sur des rues à angle droit.
Sur le quai, des Noirs en sarouel sombre Sur le quai, des Noirs nonchalants, en sarouel sombre, vendent boissons et fruits à des soldats européens en treillis vert.
Tout de même un bâtiment blanc : de l’autre côté de la voie ferrée, un fortin de la Légion rétablit, avec le drapeau tricolore qui le surmonte, l’image enfantine de la présence française au désert.
Une heure d’arrêt. Une heure de récréation. Dans ce damier qu'est Beni-Ounif je trouve du pain et du fromage. Très cher. Après tout, ne sommes-nous pas des touristes, qu’il est normal d’exploiter ? Que nous soyons des touristes forcés et contraints, peu importe. Qui, dans les circonstances actuelles, irait passer des vacances en Algérie si on ne l’y poussait pas quelque peu ?
Nous reprenons notre « Rafale » chérie pour la dernière fois.
Nous passons, à petite allure, devant une kyrielle de baraques en parpaings gris. La distraction préférée de leurs habitants semble être l’entretien du ballast. Au passage de « la Rafale », ils s’arrêtent pour l’admirer, en nous faisant des gestes que l’on peut, à la rigueur et par ignorance, interpréter comme des signes d’amitié. Nous leur répondons en agitant les mains. Le dialogue s’engage.
– Quelle classe ? hurlent les pelleteurs en chapeau de brousse.
– 58-2/C, répondons-nous piteusement.
– La quille, b... ! s’exclament-ils en se tordant de rire.—————————————
Accrochée aux barbelés
—————————————« La Rafale » longe maintenant la frontière marocaine, matérialisée par un réseau barbelé et électrifié. De petites automitrailleuses et des jeeps minuscules roulent dans le labyrinthe des couloirs frontaliers. Un âne, ignorant, a dû tenter de les suivre et en est mort. Sa carcasse est restée accrochée aux barbelés. Un peu plus loin, une autre charogne, que signale un véritable brouillard de mouches, doit servir d’avis aux imprudents !
Les véhicules des gardes-frontière allument leurs phares. La nuit tombe comme nous arrivons à Colomb-Béchar.
« La Rafale » ne va pas plus loin. Nous débarquons joyeusement. Le sergent, toujours aussi efficace, nous embarque dans des camions, dont les chauffeurs ne résistent pas à une telle prestance unie à tant d’autorité et nous amènent à la caserne du 3/19ème « parachutistes infanterie coloniale ».
Un capitaine nonchalant arrive à notre rencontre.
– Qui sont tous ces gens-là ?
– Les détachements des compagnies sahariennes, répond le sergent, qui, pour la première fois depuis que nous avons fait connaissance, salue et se met au garde-à-vous.
– Foutez le camp ailleurs, répond le capitaine, nullement impressionné par son attitude ; nous n’attendons personne.
– J’ai pourtant téléphoné de la gare et on nous a répondu que c’était d'accord, ment effrontément le sergent.
– Je n’ai été avisé par personne, répond le capitaine, qui ne se sent pas concerné et s’éloigne avec la même nonchalance.
Il ne se laisse pas convaincre qu’il serait vraiment inhumain et contraire aux traditions bien connues du 3/19ème de laisser sur le sable de pauvres petits qui sont restés huit jours sans dormir, sans boire, sans manger et sans se laver.
Le sergent ne se tient pas pour battu. Il court du bureau du capitaine au bureau du commandant, qui n’est pas là ; du bureau du commandant au bureau du lieutenant-colonel, également parti (il est 19 heures), apprend que le colonel est à la piscine, l’appelle au téléphone pour se faire répondre.
– Il est 19 heures passées, je ne donne plus d’ordres.
Il trouve en fin de compte un aspirant, un innocent appelé, qui prend sur lui de nous faire installer des lits Picot et de nous distribuer des rations.
Le capitaine, qui est revenu, félicite notre ange gardien pour la façon bien française dont il s’occupe de ses recrues. Il s’inquiète, toutefois, des lits.
– Vous vous dém...rez si on vous les vole et vous serez responsable s’il y en a un de cassé. Moi, je n’ai rien vu, je ne sais rien, puisque je n’ai reçu aucun ordre.
– Ne rien faire, se couvrir et rendre compte, voilà le bon moyen pour devenir général, grommelle le sergent entre ses dents.
Le capitaine aveugle doit être également sourd. Néanmoins, il tient à manifester son autorité :
– Du moment que vous êtes là, il n’y a pas de raison pour que vous n’assuriez pas la garde.
On nous amène au camp de toile. Je coupe à la garde, mais pas à une rage de dents, qui me force à sortir et à marcher. Je ne remarque rien sinon les étoiles, la Grande Ourse et le Bouclier d’Orion qui brillent dans le ciel et n’entends rien sinon les aboiements des chiens, les braiments des ânes : une ambiance vraiment campagnarde, qui me paraîtrait délicieuse si je n’avais pas si mal.
Au petit matin, je reçois quatre comprimés d’aspirine. Un peu plus tard nous sommes autorisés à prendre une douche : jouissance rare. À déjeuner, nous mangeons des légumes frais et du poisson « d’une fraîcheur plus relative », mais nous sommes réquisitionnés pour décharger des cageots de légumes, plus frais encore puisqu’ils viennent d’arriver, par avion, de France. Les cuistots nous gâtent et nous donnent à boire. Mais, le soir, nos lits ont disparu : le colonel a fait son enquête et l’aspirant a dû se faire copieusement eng... En revanche, on nous distribue des fusils, modèle 1886 modifié 1893. Ils sont d’une rare élégance, mais se rechargent balle après balle. Pour les débloquer, il faudrait un tournevis. Nous recevons aussi cinq cartouches par homme. Elles sonnent le creux; quelqu’un prétend qu’on a oublié de les garnir de poudre... De toute façon, nous rassure le sergent, ils ne pourraient nous servir à rien, les fellaghas, eux, ont des mitrailleuses italiennes toutes neuves et, en plus, ils sont occupés ailleurs...
Le voyage se poursuit en camion et, comme prévu, nous ne voyons pas de fellaghas.
Nous arrivons à « Timi » dans un état si lamentable qu’à peine nos noms relevés par le bureau des effectifs nous sommes envoyés au repos, dans de charmantes petites chambres vides qui donnent sur une cour bien calme. C’est le premier anniversaire du 13 Mai et les rares bureaucrates restés ici ont été réquisitionnés pour un défilé. Toute la compagnie est, en effet, partie en opération, nous laissant le temps de nous remettre de nos émotions et d’admirer Timimoun.———————————————
Des ombres immenses
———————————————L’endroit est bien plus beau que tout ce que j’avais imaginé, encore que manquent les dunes blondes de même que les maisonnettes blanches.
Imaginez un espace plus vaste que la place de la Concorde entouré de maisons à terrasse de style soudanais.
Tout est rouge sang séché, les bâtiments, le sol, les portes monumentales... Au-delà, de toutes parts, c’est le désert bien plat, comme si la place de la Concorde se trouvait avec le Crillon et le ministère de la Marine au milieu de la Crau. J’ai l’impression d’une ville de rêve dessinée par Dali pour la tentation de saint Antoine ou du fond d’un tableau de De Chirico. Les édifices projettent des ombres immenses sur la place déserte dépourvue du moindre arbre, du moindre réverbère.
Les arcades des bâtiments cubiques donnent une impression d’écrasement mais on se sent divinement bien à l’intérieur, dans les petites chambres, blanchies à la chaux, obscures et intimes, avec, détail qui parait incongru sous ce soleil brillant, de vraies cheminées. Les murs sont décorés de foulards en rayonne verts, orange, grenat, avec des évocations de rues et de monuments d’Oran et de Constantine. Il y a aussi des pin-up, atteintes visiblement d’une hypertrophie des glandes mammaires, qui ont dû subir mille fois plus de viols, en imagination, qu’elles ne pourraient en supporter, quel que puisse être leur tempérament. Les groupes électrogènes fournissent un courant tout juste suffisant pour mettre en valeur les avantages de ces dames. Rien à voir avec le confort plus populaire de « la Rafale », que je voudrais bien, pourtant, reprendre très vite, car c’est elle qui me rapprochera de la France.
Jean ESCANDE
Le camp du « Lido », surnom donné par les soldats au centre d’instruction
entre Maison-Carrée et Fort de l’Eau près d’Alger. Les classes terminées,
c’est le départ pour les régiments auxquels ils sont affectés
Le saharien monté sur un méhari, chameau de course très endurant sur lequel il
accomplit de fantastiques randonnées. Sur le côté pend sa menassa, sorte d’écuelle
dont il ne se sépare jamais et qu’il utilise pour boire manger ou se laver
À Karézas, au sud de Beni-Abbès, passage de l’oued à gué. Des pluies torrentielles s’étaient soudain abattues sur cette charmante oasis après douze années de sécheresse. On peut estimer à 400 mm la moyenne annuelle des pluies au Sahara et les régions les plus arides comme le Tanezrouft et le Fezzan reçoivent moins de 5 mm de pluie par an. De plus, la sécheresse est aggravée par des vents violents.
Avant l’auto, l’avion et les pétroliers, la vie dans les profondeurs
sahariennes apportait toujours à l’homme épris de beauté et de
solitude une profonde satisfaction, une exaltation lucide et constructive...
... mais qui parfois ne s’en accompagnait pas moins de crises de cafard. Pour y remédier, les sahariens apprirent à se moquer de ce qui les contraignait. C’est ainsi qu’ils créèrent les ordres du fantassin saharien parodie de distinctions honorifiques dont le thème était la sublimation du cafard...
... qui donnaient lieu à des manifestations de chaude camaraderie. Le premier fut
l’ordre de la Sauterelle-Délirante, fondé à Boghar en 1882. Il y eut aussi
le Cafard de Médenine. en 1891, la Tarentule de Tidikelt. Etc.
Près de Fort-Flatters, des sahariens de la Légion étrangère.
De 1938à 1941, le bordj militaire de Fort-Flatters fut le siège de la compagnie
saharienne du Tinrhert qui, avec 300 Chaambas, surveillait la frontière
tripolitaine entre Ghadamès et Ghat. Les sahariens, aujourd’hui,
luttent contre la pénétration du Front en milieu targui.
L’eau : problème n° 1 du saharien. Si l’Erg oriental et l’Erg occidental offrent
de bonnes ressources en puits, l’erg ech-Chech, qui couvre toute la Saoura,
en est fort dépourvu et est, de ce fait, très inhospitalier
L’heure du thé chez les Touareg.
Isolé au cœur du désert un monde à part de quelque 16 000 âmes
Quelques minutes de repos pour la patrouille après une longue course dans
le désert, un désert d’où toute vie semble absente où le temps parait
suspendu. Mais la guerre est là : au haut de la dune un guetteur veille
Le petit tortillard roule à travers « d’irréels paysages blonds coupés de
montagnes noires », mais aussi à travers de longues étendues désertiques,
caillouteuses, aux mornes couleurs d’où toute vie semble absente
Alger. Miliana. Affreville. Orléansville. Relizane...
« la Rafale » par petits bonds se dirige vers Perrégaux.
L’oued d’Aïn-Sefra, au cœur des monts des Ksour.
« La Rafale », maintenant, roule à travers les territoires du Sud
Béchar, siège du commandement militaire du territoire
d’Aïn-Sefra, résidence du général. Ici le marché.