Hebdo-Film n° 28 du 11 juillet 1931

Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 



1930 - Production E. C. Paton, imagée par Pierre Ichac. Musique nouvelle de René Sylviano.

    Super-Film dont on ne compte plus les succès, tellement ils sont nombreux, et dont le dernier film Tempête sur le Mont-Blanc, remporte actuellement un véritable triomphe dans une salle d'exclusivités, a présenté jeudi dernier, au Colisée, Le Chant du Hoggar, documentaire romancé, réalisé par Pierre Ichac, qui a pour thème la vie aventureuse des Touaregs d’autrefois, pour cadre les montagnes et les vallées les moins connues du Hoggar, ainsi que les cités de la vallée du Niger, et pour acteurs, les Touaregs eux-mêmes.
Cette production, d’un intérêt considérable, a été tournée l’année dernière par Pierre Ichac, chargé de mission du Gouvernement Général de l’Algérie. Pendant six mois, le jeune réalisateur qui a parcouru en voiture plus de 7 000 kilomètres et à dos de méhari à travers les montagnes du Hoggar environ 1 000 kilomètres. a enregistré huit mille mètres de pellicule. Après une sélection sévère. Pierre Ichac a retenu seulement deux mille mètres de film environ, de telle sorte qu'on peut dire que Le Chant du Hoggar ne contient aucune image indifférente.
Il faut surtout féliciter Pierre Ichac qui, en l’occurrence fut à la fois le metteur en scène et l’opérateur de ce film, de n’avoir pas fait du Chant du Hoggar un vulgaire documentaire sec et sans vie. Il a su, très heureusement, imaginer une légende touarègue en nous contant avec infiniment de poésie les amours malheureuses du brave guerrier Le Lion et de la belle Fadimata.
Mais voici en quelques lignes le naïf mais prenant scénario qu’a su illustrer avec tant de talent Pierre Ichac.
Autrefois, alors que la paix française ne régnait pas encore sur le Sahara, le grand désert, hostile et impénétrable restait le « pays de la peur ». C’était le domaine incontesté des Touaregs, le peuple voilé, enfermé dans la forteresse inexpugnable des montagnes du Hoggar. En ces temps bénis de Dieu, les jeunes guerriers Touaregs consacraient leurs jours à trois choses : la guerre, le pillage et l’amour.
La belle Fadimata règne sur tous les cœurs dans la tribu touarègue errante, avec ses troupeaux, dans les hautes vallées du Hoggar. Mais elle aime Le Lion, le plus brave des jeunes guerriers d'une tribu ennemie. Et c’est le nom de Fadimata que Le Lion grave amoureusement sur les rochers de la montagne.
Un jour, le jeune guerrier amène au campement de sa bien-aimée une caravane razziée : c’est la dot qu’il destine à Fadimata. Et le soir, la jeune fille, bravant sa propre tribu, admet Le Lion près d’elle à sa cour d’amour et dans sa tente.
Mais Le Lion doit fuir la jalousie des hommes de la tribu. Ceux-ci le poursuivent jusque dans le cœur même du Hoggar, au pied des montagnes mystérieuses où vivent les génies. Après un dur combat, le héros, protégé par sa foi en Dieu et le Prophète, se hasarde vers les sommets, où les autres n’osent pas le poursuivre. Les mois passent. Au campement l’oubli vient. Et Le Lion surgit à nouveau. Traversant le désert jusqu’aux limites du pays des noirs, il a gagné l’alliance d’autres Tourages. Avec eux, il a donné l’assaut à une populeuse cité noire, sur les bords du Niger. Il ramène au Hoggar, une caravane d’esclaves. Que cela suffise à ceux qui aiment les richesses. Pour les autres, il a son sabre et son bouclier.
Un guerrier gigantesque relève le défi, et engage avec Le Lion un combat à mort. Sous sa tente proche, la belle Fadimata sourit et les yeux du Lion sont invinciblement attirés par ce sourire. Il se détourne, le sabre de son ennemi entaille le bouclier et le blesse mortellement.
Sur une piste solitaire, celui qui fut le plus grave des guerriers agonise. Dans une dernière hallucination, il croit entendre le son grave du violon de sa bien-aimée, et il croit voir Fadimata se pencher sur lui.
Seul, dans le Hoggar, un rocher gravé de signes tifinars rappelle les amours malheureuses du Lion, le brave parmi les braves et de la belle Fadimata.
Il faut vivement louer Pierre Ichac. de nous avoir révélé par le truchement de cette émouvante légende, les secrets du Hoggar. Car si le Hoggar est plus sûr aujourd’hui qu’il y a vingt ans, la montagne n’est cependant accessible qu'aux caravanes chamelières et les touristes n’ont pas encore pu y pénétrer. C’est donc une région totalement inconnue que Le Chant du Hoggar nous permet de connaître aujourd’hui.
Et quel guide admirable est donc Pierre Ichac qui sait nous montrer en une suite de photographies remarquables les mille et un aspects de la terre des Touaregs. Pics inaccessibles, pistes rocailleuses, défilés grandioses, mœurs et coutumes inconnues et combien curieuses, nous voyons tout cela dans ce film fait à la fois par un explorateur qui a su voir les choses les plus intéressantes et par un artiste qui a su les fixer sur la pellicule.
Une musique nouvelle de René Sylviano accompagne de façon très heureuse les passages les plus caractéristiques de cette œuvre extrêmement intéressante qui fait le plus grand honneur à son réalisateur et à son éditeur et qui obtiendra certainement le plus grand succès auprès de tous les publics.

R. V.