Tassili n Ajjer
Et
Ténéré
J’AI visité la région du Tassili ou plus exactement la région sud-est de Djanet au cours d'un voyage organisé par le tour operator Explorator au tout début de 1981. Après un transit spartiate à Alger, nous prîmes un avion britannique affrété par Air Algérie, un Handley-Page Herald, qui faisait l'omnibus est-saharien pour Djanet via Ghardaïa, Ouargla, Edjelé. Notre groupe comportait une douzaine de touristes tous français autant que je m'en souvienne. Le matériel transporté depuis Alger comportait un matériel de cuisine, des vivres et des matelas de mousse. Les nuits étaient prévues en bivouac, ce qui fait que nous n'avions pas de tentes.
À l’escale d’Ouargla, nous dûmes renoncer à emporter avec nous tout le matériel: il y avait surbooking et la charge de l'avion dépassait la capacité de décollage sur un moteur en cas de problème à Edjelé. Inch Allah, il devait nous rejoindre le lendemain. J'ai dû faire l’interprète entre « la » commandement de bord britannique et le chef d'escale algérien dont l’anglais était un peu insuffisant et nous redécollâmes après deux heures de palabres, déchargement et rechargement.
Finalement nous arrivâmes à Djanet en fin d'après-midi, accueillis par nos guides touareg et transportés à « l’hôtel » des Zeribas le plus grand palace de Djanet où les cases des voyageurs étaient effectivement des zeribas de feuilles de palmiers, des lits de camp sur lesquels nous déployâmes les sacs de couchage, des toilettes sans eau et un restaurant où le gigot de mouton avait probablement traversé le Ténéré à pied avant d'atterrir chez le boucher de Djanet. Le jardin de l'hôtel où s'étalaient nos chambres servait aussi de terrain de camping pour les baroudeurs traversiers de désert ou transafricains de toutes origines européennes (italiens ou allemands pour la plupart).
Notre expédition était organisée par une agence locale affrétée par Explorator qui ne nous fournissait directement qu’un accompagnateur qui faisait office de financier. Chacune des deux Toyota avait un équipage de deux Touareg de Djanet, un chauffeur et un aide. Ils servaient également de cuisiniers. Ils connaissaient parfaitement la région, sans GPS ni carte. L'agence possédait aussi des camions qui pré positionnaient dans un coin de désert une réserve d'eau et d'essence cachée sous le sable et nous évitant de surcharger les véhicules pour huit jours d'autonomie.
Nous restâmes une journée aux environs immédiats de Djanet, pour pouvoir récupérer le soir le reste de notre matériel resté à Ouargla et arrivé par l'avion du lendemain. C'est donc vers 18 heures que commença réellement notre périple.
Celui-ci nous menait assez loin au sud-est dans le Tassili, pratiquement à la frontière libyenne. Nous faisions souvent de petites marches paisibles pour explorer gravures et peintures rupestres peintes au néolithique par les anciens habitants du pays. Nous couchions dans le sable, il fallait souvent dégager les pierres jonchant le sol, sur des matelas de mousse enveloppés dans les sacs de couchage avec de plus une couverture. La température la nuit était très froide, plusieurs fois les gourdes contenaient des glaçons le matin, mais il n'y avait guère de vent et le plus souvent le soleil rendait la température agréable dès dix heures du matin. Une nuit, la pluie commença à tomber sur notre campement et heureusement nous avions à proximité des abris sous roche qui nous abritèrent pendant le reste de la nuit.
Les ablutions et la vaisselle étaient minimales, le sable ayant un certain pouvoir décapant que ce soit pour les mains ou les gamelles. La cuisine du soir était au feu de bois. En effet, les ouadi étaient parsemés d'arbres morts desséchés - combustible fossile - car la végétation en vie était beaucoup plus faible. Nous organisions des corvées de bois pour ramasser les branches mortes et nos jeeps étaient souvent surmontées du reste de cette récolte pour des bivouacs en ambiance purement minérales.
Mine de bois
La nuit du nouvel An européen, le menu fut amélioré par un méchoui de gazelle, chassée par nos Touareg l’après-midi. Plus tard dans la nuit, je fus réveillé par quelqu'un me marchant sur les pieds, puis par des cris provenant de personnes dormant un peu plus loin. Le lendemain, nous nous aperçûmes que nous nous étions couchés sur une piste de mouflons - il y avait moins de cailloux - et les Touareg interprétèrent les traces comme celles d'un mouflon d'une vingtaine de kilos et qui avait eu plus peur que nous, car il avait uriné quelques mètres passé le second groupe de touristes sur lequel il avait buté.
Les nuits étaient d'une clarté remarquable, la lueur des étoiles sans lune permettait de distinguer les silhouettes des rochers et coucher en plein air permettait de suivre le déplacement apparent d’Orion et de Cassiopée sur le ciel. À la fin de notre voyage, la lune éclairait une partie de la nuit et nous étions plus habitués ou fatigués et nos veilles astronomiques se raccourcirent.
Après trois nuits passées dans le Tassili, nous fîmes cap à l'ouest. En bordure du Ténéré s'ouvrit un paysage fabuleux de désert où de multiples garas découpées, d'une cinquantaine de mètres de hauteur, ressemblaient une ville imaginaire pétrifiée.
Ce fut ensuite la traversée du Ténéré, une longue journée, vécue comme une croisière en mer, à peine interrompue par le croisement d'un autre convoi connu de nos Touareg près d'une balise posée en 1960 par l'expédition nord-sud des camions Berliet. Parfois nous croisions des traces vers le nord-est identifiées comme le passage de contrebandiers passant de Libye en Niger ou vice-versa.
Descente sur le Ténéré
Balise Berliet au cœur du Ténéré
Puis nous arrivâmes au puits d'In Afeleleh seul point d'eau au nord du Ténéré. Le puits apparaît d'abord isolé dans les sables. Puis cachés derrière une dune, on aperçoit quelques arbustes - des tamaris-.
Le retour vers Djanet s'effectua à travers l'erg Adjmer, un vrai erg avec des dunes d'une centaine de mètres de hauteur, à travers lequel un sens de la navigation est requis pour ne pas trop dévier de la route et pour garder un sol raisonnablement dur pour garder la vitesse nécessaire pour éviter l'envasement.
Nous arrivâmes à Djanet en pensant repartir à l'aube du lendemain. Nous apprîmes que l'avion (toujours un Herald) n'était pas venu retenu à Alger par une sombre histoire de dédouanement de pièces détachées. Il fallait donc attendre un jour que, moyennant supplément, nous passâmes à escalader à pied le Tassili (800 mètres environ) pour visiter les fameuses peintures de Jabbaren, plus visitées par des touristes maintenant encadrés par les gardiens du parc national du Tassili
Montée à Jabbaren
un coup d'œil en arrière Montée à Jabbaren
tronc silicifié
Une des peintures célèbres de JabbarenNous passâmes deux nuits à l'hôtel des Zéribas où le repas semblait être fait des os du mouton que nous avions mangé la semaine précédente. Et nous repartîmes le lendemain mais seulement pour Ghardaïa car l'avion ce jour-là s'y arrêtait. Nous avions quelques heures à attendre la correspondance avec l'avion d’Adrar, nous en profitâmes pour visiter la ville capitale du Mzab, et enfin repartîmes pour Alger le soir, sachant que nous avions manqué la connexion de Paris. Cela nous donna l'occasion de vivre une nuit, couchés sur les pages de « El Moujahid » sur le carrelage de l'aéroport d'Alger, en attendant un 747 pour le lendemain matin.
Ci-dessous :
Quand l'homme habitait encore le désert :
À l’époque de la pierre polie
Enfin le chameau vint, mais l'eau s'en alla© 1961-2003 Jean Bellec