suite

Que s’était-il passé ? En 1933, il faisait partie des mordus de l’aviation et n’avait donc pas hésité à effectuer le trajet Oran-Gao en monomoteur (et sans radio ?). Il s’était posé à Reggane à l’issue de la première journée (on a retrouvé dans les archives de la mairie sa photo, alors qu’il posait, la veille de l’accident, devant le bordj). Elle sera publiée dans Paris Match. Après une nuit récupératrice, il s’envolait pour Gao, en suivant, non pas la piste impériale, mais en allant au plus court, c’est-à-dire en survolant l’erg Chech à l’ouest. Et c’est l’incident mécanique : le moteur a des ratés, l’avion se pose assez doucement mais en piquant du nez. Lancaster est légèrement blessé. Comment réagit-il alors ? Il s’assure d’abord qu’il a une réserve d’eau de dix litres environ. Ensuite il estime se trouver à trente kilomètres à l’ouest de la piste (à soixante-dix en réalité) et il est persuadé que des véhicules pourront l’apercevoir. Son calcul est le suivant : en s’astreignant à ne pas boire plus d’un litre par jour et en restant immobile sous l’aile de l’avion 5 il estime qu’il peut tenir une semaine, ce qui lui donne des chances d’être repéré. Les trois premiers jours, il a le moral. Au delà, – nous sommes au mois d'avril, le thermomètre monte jusqu’à 45° à l’ombre vers midi et la nuit il a froid – tout en restant maître, de lui, il devient sceptique et deux jours avant sa mort il écrit à sa fiancée qu’il se voit dans une baignoire en sa compagnie avec un robinet qui coule. Le septième jour, il boit les dernières gorgées et accepte la fin inéluctable. J’ai toutes les peines du monde à convaincre les autorités de Reggane que ce document recueilli est une lettre privée et que le destinataire doit en être exclusivement le procureur de Mascara. Mais parmi les jeunes du contingent affectés à la base de Reggane se trouve un reporter de Paris Match qui s’empresse de transmettre à la rédaction de l’hebdomadaire, la traduction en Français de la lettre écrite en anglais. Pierre Bellemare en fera plus tard un article retentissant. La lettre est quand même parvenue à la fiancée, devenue entre-temps sexagénaire et mère de famille. Trente
années après que son ami l’a quittée, Chubbie a enfin de ses nouvelles !
Depuis septembre 1959, j’ai donc quitté Adrar pour m’installer à la base vie du CSEM de Reggane, cette fois sous les ordres directs du colonel commandant la base.
___________________________________
5.
Contrairement à Laperrine, qui, lui, a perdu ses forces en marchant.
* Guerba : Outre en peau de chèvre conservant au frais l’eau nécessaire aux caravaniers.
* Redjem : Petits tas de cailloux (sorte de cairns) destinés à baliser une piste.
* Rahla : Selle utilisée par les Touaregs sur leurs dromadaires.
* Guelta : Mare d’eau saumâtre que l’on trouve dans les reliefs montagneux.


… Ma première expérience saharienne (18 mois) se terminait le 15 mai 1960. Mais comme j’entretenais de bonnes relations avec le commandant de la gendarmerie départementale de Colomb-Béchar, ce dernier me proposa, pour décentraliser son commandement, de créer le poste de la compagnie de gendarmerie d’Adrar, englobant non seulement le Touat (c’est-à-dire Adrar et Reggane), mais aussi au nord le Gourara (Timimoun) et au sud le Tanezrouft jusqu’à la frontière du Mali (le Soudan français venait d’accéder à l’indépendance) matérialisé par un bordj où s’installeraient des gendarmes dépendant de moi. Bordj le Prieur fut rebaptisé alors Bordj Perez, du nom d’un gendarme « pied-noir » tué à Colomb-Béchar, avant de devenir bientôt, à l’Indépendance, Bordj Moktar.

… La compagnie de gendarmerie d’Adrar est enfin créée: j’en serai l'unique commandant car elle sera dissoute dans deux ans. Après les quatre murs de la chambre que j’occupais dans la caserne d’Orléansville, je retrouve le grand espace: bureau et chambre dans la même maison construite en argile (toubes), avec terrasse pour y chercher la fraîcheur la nuit. Et sur le plan professionnel, je suis le roi, de Timimoun à Bidon 5, en attendant la création du poste de Bordj-Perez à la frontière du Mali.

...
Arrive alors ma nomination dans les Forces Françaises d’Allemagne (FFA) à la prévôté de Tübingen.

… Et c’est ainsi que le 1er juin 1965, je débarque à la caserne de gendarmerie d’Orléans au volant de ma voiture de sport rouge auréolée de la plaque d’immatriculation bleue, signifiant que je venais des FFA, c'est-à-dire des Forces Françaises d’Allemagne.

… « C’est un beau cadeau que vous fait la République ! » se croit obligé de me dire mon chef de Corps en m’annonçant ma nomination comme conseiller technique de la gendarmerie royale laotienne à Vientiane.

… Janvier 1970 : L’adieu aux armes

 

Ces souvenirs sont extraits du livre de François Moppert
« Grouille ou rouille »
aux Éditions Thélès, 2008


 

----------------------======0000O0000======--------------------


Alain BROCHARD (g)
& François MOPPERT (d)
se sont rencontrés à Ploemeur (Morbihan)
le 25 septembre 2010

----------------------======0000O0000======--------------------

    page précédente